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par la misère du corps, et détachées depuis longtemps des idées et des pratiques religieuses.

L’abbé Bridet s’y dépensa tellement qu’au bout de quatre ans, on le mit à un poste moins pénible, celui d’aumônier des Dames du Sacré-Cœur aux Anglais près de Lyon. Mais dès le 25 avril 1869, il fut rendu à la vie active, et devint vicaire à Saint-Nizier, où il se donna surtout à l’école cléricale et à l’œuvre de l’Adoration nocturne. En 1870, il fit, avec M. Viennois, son ami, le pèlerinage de Rome où se tenait le concile œcuménique. De retour, il reprit, avec plus d’ardeur, ses visites fréquentes aux malades, ses travaux d’édification et d’études. Un jour, il fut mandé à l’archevêché. Mgr Ginoulhiac avait résolu de fonder une nouvelle paroisse qui serait prise en grande partie sur celle de l’Immaculée-Conception, laquelle ne suffisait plus à l’accroissement constant de la population. Trois années auparavant, Saint-Nizier avait fourni le fondateur de la paroisse Saint-Joseph, M. Viennois. Cette fois on s’adressa encore à un vicaire de cette paroisse.

L’abbé Bridet, de retour à Saint-Nizier, dit à ses confrères : « Priez Dieu pour moi ; monseigneur vient de mettre sur mes épaules un fardeau bien lourd. Je suis chargé de fonder une paroisse à la Guillotière, dans le quartier le plus déshérité. » Comme il semblait préoccupé, quelqu’un hasarda : « N’auriez-vous pu refuser ? » — « J’aurais craint de faire de la peine à Notre-Seigneur », répondit-il simplement.

M. Bridet n’arrivait pas en pays inconnu, puisque, six années auparavant, nous l’avons dit, il avait parcouru, comme vicaire de l’Immaculée-Conception, ces quartiers misérables. Mais, depuis son départ, la ville avait poussé son invasion plus loin. Des maisons plus nombreuses s’échelonnaient en bordure des rues principales, puis au delà se trouvaient également des terrains vagues et des chemins peu ou mal fréquentés. Le vaste quadrilatère désigné pour territoire de la novelle paroisse comprenait environ 10.000 habitants  ; il était limité par les paroisses Saint-Pothin et Saint-Joseph au nord, Sainte-Anne à l’est, Saint-Louis au sud et l’Immaculée-Conception à l’ouest.

On ne pouvait pas attendre des intéressés les contributions nécessaires à la construction d’une église. La plupart étaient indifférentes sinon hostiles, et avaient en outre grand’peine à se subvenir. M. Bridet commencé dans la ville, selon sa propre expression, « une vie de mendiant », qu’il mena jusqu’à son dernier jour. Les listes de souscription se couvrirent de trois mille signatures. Sans attendre d’avoir réuni les sommes nécessaires, il mit les travaux en chantier, le 11 mars 1875. L’emplacement avait été choisi d’un commun accord par les autorités civiles et religieuses, sur un terrain alors inoccupé, à l’angle de la rue Boileau et de la rue des Moines, actuellement rue Étienne-Dolet. Le temps pressait et faute de ressources on se contenta d’une construction provisoire. Bientôt on vit s’élever de longs murs en mâchefer, comme ceux de presque toutes les maisons voisines, d’où le nom populaire d’église des mâchefers qui est resté à l’édifice. Le nouveau curé était tous les jours sur le chantier, se rendant compte des moindres détails, montrant une aptitude qu’on ne lui connaissait pas. En septembre, il crut pouvoir prendre possession, et choisit pour l’inauguration le premier dimanche d’octobre, jour du Rosaire. La fête fut présidée par Mgr Thibaudier, coadjuteur de l’archevêque Mgr Ginoulhiac. Une foule