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saint-irénée

Ce fut le jour de Pâques, 18 avril 1802, que l’on chanta la messe pour la première fois dans la vénérable basilique rendue au catholicisme et à ses souvenirs sacrés. Mais hélas ! dans quel pitoyable état son nouveau pasteur, l’abbé François Déchaut, ex-perpétuel de Saint-Just, la recevait du fermier national qui l’avait convertie en fenil. Six mois après la toiture s’effondrait : la municipalité intervint et accorda 9.000 francs pour les réparations les plus indispensables. La sacristie était sans meubles, sans ornements, sans vases sacrés ; on usait d’un calice d’étain ; le clocher attendit une cloche jusqu’au 15 avril 1806, où elle fut bénite par le cardinal Fesch. Pendant toute la durée du xixe siècle, les ecclésiastiques, qui gouvernent la paroisse, plus spécialement MM. Durand, Valadier, Delaroche, Guillon, épuiseront les ressources dont ils disposent dans des remaniements, embellissements, reconstructions, agrandissements utiles, nécessaires même, dont la diversité toutefois a fini par enlever à l’œuvre tout intérêt artistique et toute trace originale du passé.

Derrière le chevet de l’église, sur une vaste plate-forme, s’étendant jusqu’à la brusque arête de la balme qui descend au confluent, on a érigé un calvaire, et à l’entour on a dressé de petits édicules, où sont sculptées dans la pierre les quatorze scènes du Chemin de la Croix. L’abbé de Pélissac fut l’initiateur de ce projet et on l’exécuta vers 1720. La piété populaire l’adopta promptement et, à certains jours, le jeudi et le vendredi saints principalement, on vit les fidèles remplir l’espace laissé libre. La coutume s’établit d’échelonner les stations traditionnelles du bas de la colline au sommet et de la gravir en silence et en prière. La première station était fixée à Sainte-Croix, près de la cathédrale, on passait ensuite à Saint-Pierre le Vieux, aux Trinitaires, au Verbe-Incarné, chez les P.P. Minimes, où l’on goûtait une absinthe amère fort en vogue ; de là on se rendait aux Ursulines des Bains Romains, à Saint-Just, et franchissant la porte du faubourg, on s’arrêtait encore près d’une croix qui marquait l’emplacement de l’ancienne collégiale détruite par les Calvinistes ; enfin on achevait ce saint exercice, en s’agenouillant dans une grotte, taillée dans le tuf, figurant le sépulcre du Sauveur. La congrégation des Messieurs, assemblée au collège des Jésuites de la Trinité, avait introduit ce pèlerinage dans son règlement et l’accomplissait à l’édification générale.

Abattue par les terroristes, l’image du divin Crucifié fut relevée, à la place même où tant de générations l’avaient adorée et baisée, plusieurs mois avant que Bonaparte ait livré le secret de ses projets concordataires. Précédant de la sorte tous les autres symboles religieux, étendant ses bras miséricordieux sur les ruines fumantes, entassées par les généraux et les représentants de la Convention, elle apparut à nos concitoyens comme l’emblème d’une victoire prochaine de la foi sur l’athéisme, de la liberté sur la tyrannie, de la fraternité sur les haines sociales.

L’église Saint-Irénée est vaste, mais n’a pas, tant s’en faut, le caractère architectural et la majesté de l’église gothique antérieure aux dévastations protestantes.

En pénétrant dans le chœur, le regard se porte dès l’abord sur le pavé de mosaïque dans lequel l’artiste a reproduit l’inscription rappelant le massacre des dix-neuf mille martyrs. L’autel est de marbre blanc avec des marches de marbre rouge. Le chœur a été récemment décoré de fresques par M. Couvert. Au centre, le Christ, bénissant, est entouré des