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Quant à la qualité d’abbaye royale, on la trouve, pour la première fois, dans un acte de vente de mai 1708, par lequel « David Ollivier, receveur général des finances de la généralité de Lyon, échevin de cette ville, et Françoise Decombes, son épouse, témoignent vouloir faire don à l’abbaye royale de Chazeaux, de leur propre mouvement, par gratification et donation particulières, de tout le terrain, tant en vigne que vide, qui appartient à ladite dame Decombes tant en longueur qu’en largeur, au-dessous de la terrasse de sa maison située à Fourvière, et cela en considération de la profession que demoiselle Ollivier leur fille, à présent novice dans ladite royale abbaye, a témoigné vouloir y faire ». Parmi les noms des religieuses présentes à l’acte, on en relève de familles connues dans notre ville : de Beaumont, de Silvecanne, Prost, Basset, Bourgeat, Groslier de Servière, Richy, Deslandes, Piégay, Ollivier, Clapasson. Les deux premiers surtout qui furent portés l’un par Mme de Silvecanne, en religion sœur de la Trinité de Saint-Bonnet, l’autre par Mme Antoinette de Beaumont, abbesses en 1732 et 1738, sous l’épiscopat de Mgr de Châteauneuf de Rochebonne, ont laissé des traces dans l’histoire.

Mgr François de Châteauneuf de Rochebonne, archevêque de Lyon.

L’abbaye fut heureuse dès lors, semble-t-il, en acquisitions et en administration de biens, malgré des difficultés de possessions à Firminy. Elle avait deux maisons de rapport à Lyon, dont l’une place de la Feuillée des Augustins, des rentes solides dont elle ne dépensait pas seulement l’excès en charité, et par l’effet d’une transmission d’héritage faite à l’une de ses abbesses, comme personne privée, le 2 mars 1627. Celle-ci était châtelaine et seigneure du magnifique château et domaine de la Paliul, qu’avait fort augmenté et embelli, de 1609 à 1623, Aimé-Michel de la Chalvandière d’Orcière et de Montorsier ainsi que Guillaume, Jean et Louis-Guillaume Barjot. Les plans des fonds possédés par les dames de Chazeaux, tant en Forez qu’en Beaujolais, dressés en 1742 par Marc Meillard et Fronton, sur les ordres de l’abbesse Marie Batiiéon de Vertrieu, donnent une copieuse idée des terres et vignes aux lieux dits Pied-de-Chêne et la Roche lesquels ne le cédaient guère au domaine de la Palud proprement dit.

Mais encore, cette abondance n’appesantissait pas ni n’obscurcissait pas le véritable esprit bénédictin, esprit large et soutenu. Le 11 avril 1697, Jeanne-Marie de Rostaing, qui n’était encore que prieure, écrivait, pour se tirer de tout soupçon de complicité avec d autres religieuses entachées de gallicanisme et de jansénisme, une ferme et noble profession de foi, qui dénonce, à cette date, un rare discernement.

Extrayons-en ces deux articles essentiels : « Je promets et jure vraie obéissance au pape de Rome, successeur des apôtres et vicaire indéfectible de Jésus-Christ. Je reconnais et professe que le pouvoir des indulgences a été accordé à l’Église par Jésus-Christ. »

Devenue abbesse peu après, Jeanne-Marie de Rostaing, aussi franche et décidée d’esprit que de race, ne souffrit pas dans son troupeau de têtes altières la moindre atténuation des doctrines catholiques. Elle fut une excellente moniale et une femme très distinguée.