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histoire des églises et chapelles de lyon

gouverneurs de la province, de 1608 à 1791, et deux autres s’assirent sur le siège primatial des Gaules. Ce fut précisément le premier de ces gouverneurs, Charles de Neuville, seigneur d’Halincourt et marquis de Villeroy, qui fit venir, de Paris à Lyon, sept Carmélites réformées pour contenter la piété de sa femme Jacqueline de Harlay, autant que la sienne propre. Elles arrivèrent le 12 septembre 1616 et logèrent d’abord à Ainay, chez les Dames de la Visitation, d’où elles sortirent, le 9 octobre suivant, pour occuper le monastère qu’elles ne quittèrent plus qu’en 1792 et qu’elles durent à la munificence de Jacqueline, dont elles récompensèrent le zèle par le titre mérité d’insigne fondatrice. Leur première prieure, Madeleine de Saint-Joseph, dédia cet asile définitif à Notre-Dame de Compassion. Le lieu choisi faisait partie du territoire de la Gella, au sommet de la côte Saint-Vincent, qui prit dès lors le nom du nouvel établissement. Le terrain ressortait de la rente de l’abbaye d’Ainay en concours avec celle de Saint-Pierre. Le plan scénographique de Lyon au xvie siècle donne une idée exacte de ce qu’étaient alors la côte Saint-Vincent et le tènement de la Gella.

Parmi les anciens possesseurs des diverses propriétés acquises pour former l’enclos des Carmélites dans l’une des positions les plus agréables de la ville, mentionnons, à titre de curiosité, le père, le frère et le neveu de notre fameux poète féminin Louise Labé, dite la Belle Cordière. Ce nom même de Labé était un surnom des Charly, cordiers de génération en génération depuis plus d’un siècle. On voit nettement la situation et les développements primitifs de Notre-Dame de la Compassion dans le plan de Simon Maupin gravé par Velthem, en 1625, et publié par Claude Savary et Barth. Gauthier, en rue Mercière, à l’enseigne de la Toison d’or.

Il est impossible d’énumérer, dans cette brève notice, les annales de la communauté dès le début très fervente et florissante. Notons toutefois l’affranchissement de tous droits seigneuriaux consenti en sa faveur par le chapitre de Saint-Paul, le service solennel de Nicolas de Neuville, maréchal de France, les compliments et les présents offerts par le consulat à la prieure Madeleine-Éléonore de Jésus, née de Villeroy, arrière-petite-fille des fondateurs ; le vendredi 1er janvier 1717, la mort de Mme la maréchale de Villeroy ; la mort de Marguerite Le Tellier, femme de Nicolas de Neuville, duc de Villeroy et fils, du deuxième maréchal de Villeroy ; le service funèbre de Louis XIV ; les funérailles de François-Paul de Neuville de Villeroy, archevêque de Lyon ; enfin le Te Deum chanté en action de grâces du rétablissement de Louis XV, le 21 août 1721.

Il semble que la providence ait étroitement joint les destinées des Villeroy et de Notre-Dame de Compassion. La maison fondée par le père du premier maréchal de Villeroy presque en même temps que le dernier duc de ce nom qui fut aussi le dernier gouverneur de Lyon, Gabriel-Louis-François de Neuville, marquis puis duc de Villeroy, pour qui son oncle s’était démis de son gouvernement en novembre 1763, vit, en effet, l’Assemblée Constituante supprimer, par le décret des 20-25 février 1791, les places de gouverneur de villes et de provinces. Il assista à la ruine du monastère, à la destruction des splendides tombeaux élevés par Jacob Richier et Bidaul, dans la chapelle Villeroy, à la mémoire de ses ancêtres, et il mourut sur l’échafaud le 23 avril 1794. Les religieuses