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mystique, la représentation de l’incarnation de la Divinité et la communication de son esprit créateur à l’homme : c’était, suivant l’expression de ce savant, un sacrement consommé avec cette crainte respectueuse qu’éprouve tout croyant lorsqu’il accomplit les mystères de sa foi religieuse : or, ce culte prend sa source à la plus haute antiquité, puisque la mythologie comparée le présente comme une des manifestations fondamentales du fétichisme[1].

À l’époque où Hérodote accomplissait son voyage en Égypte, la civilisation offrait déjà le spectable d’une nation s’éloignant de plus en plus de son antique grandeur : il était naturel que la pratique eût dégénéré et que, environnée à l’origine d’un caractère sacré, elle en fût descendue à ne plus présenter que le tableau d’une perversité bien faite pour arracher un cri d’indignation non seulement à l’historien grec, mais aussi à tous les commentateurs qui, d’après son récit, ont devisé sur le sentiment moral des Égyptiens, et ont trop facilement étayé leurs jugements sur un fait auquel il importe de restituer le véritable caractère[2].

Dans son Histoire de la religion, J. Baissac exprime cette opinion, que la dépravation ne fut pour

  1. Dans son ouvrage sur la Mythologie comparée, Girard de Rialle consacre à ce sujet un chapitre intéressant, t. I, p. 171.
  2. Bochartus, Hierozoicus et Clément d’Alexandrie mentionnent aussi le même fait ; et Larcher, commentateur de l’édition d’Hérodote de 1753, dit en parlant du bouc : « Hujus proprium uti Jovis in feminas insanire. » Larcher est donc resté étranger au sens mystique et a commis une erreur qui l’a entraîné à donner au fait une interprétation erronée.