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Adieu, portiques ! adieu, musées ! adieu, bibliothèques retentissantes ! adieu les bains ! adieu la place publique ! adieu les belles courtisanes ! adieu la conversation légère, la lutte poétique ! adieu le théâtre, le Cirque, le Capitole ! adieu le palais de l’Empereur ! adieu Rome entière ! J’ai assez vécu de cette vie si agitée, si mêlée de passions et d’angoisses, de succès et de revers, de consolations et de désespoirs, de bienfaits et de despotisme.

Et maintenant je ne serai plus le jouet du hasard et du vent qui souffle ; l’inspiration me viendra à mes heures, je serai poëte à mes heures. Je dirai comme Horace : L’indépendance est le plus précieux des biens ; et je me plongerai dans ma douce paresse. Adieu donc ma vie passée, et même adieu la gloire ! Ma gloire désormais, désormais mon bonheur, désormais ma fortune, c’est Marcella !

Je quittai Rome en triomphe. J’y étais arrivé pauvre, seul et nu, victime consacrée à la poésie : j’en sortais riche, et marié avec une charmante femme. Ainsi, malgré tout, la poésie n’abandonne jamais ses enfants. Bientôt nous avons revu, Marcella et moi, heureux et ravis, ces beaux lieux de notre naissance. Jamais la fière Bilbilis n’avait été plus bruyante du bruit des armes, les eaux du Caussus n’avaient jamais été plus rapides et plus fraîches ; le Vadaveron sacré étendit sur nous ses épais ombrages ; les Nymphes du Considus, au cours paisible, vinrent au-devant de nous avec un gracieux sourire. Là je vis, là je règne. L’hiver, je fais grand feu dans ma maison ; l’été, je rafraîchis mon corps dans le lit peu profond du Salon qui durcit le fer. Pendant les plus fortes chaleurs je me plonge dans le Tage au sable d’or ; les eaux glacées du Dircenna et celles de Néméa, plus froides que la neige, apaisent l’ardeur de ma soif. Lorsqu’arrive décembre blanchi par les frimas, et que la dure saison de l’hiver fait retentir les mugissements du bruyant aquilon, Valisca, la forêt peuplée, m’offre les plaisirs de la chasse : là tombent sous mes coups les daims pris dans les souples filets, et les sangliers de la contrée ; ou