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XCV. CONTRE LINUS === L'hiver est venu, et décembre se hérisse de glace ; cependant Linus, tu as l'impudence d'arrêter dans les rues tous ceux que tu rencontres, pour leur appliquer un baiser plus froid que la neige, et il faut que Rome entière passe par tes embrassements. Quelle vengeance plus terrible, plus cruelle, pourrais-tu exercer, si l'on t'avait battu, roué de coups ? Par un froid semblable, je ne voudrais ni recevoir les baisers de ma femme, ni sentir les petites lèvres caressantes de ma fille en bas âge. Mais toi, plus aimable, plus raffiné, tu embrasses toujours, malgré la roupie glaciale qui pend à tes narines de chien, malgré ta barbe aussi rude que celle d'un bouc du Cinyphus, tondu par les ciseaux recourbés d'un chevrier cilicien. J'aimerais mieux rencontrer une centaine de débauchés à la langue libertine, et je redouterais moins un prêtre de Cybèle qui viendrait de subir la mutilation. Si donc il te reste encore un peu de bon sens, et de pudeur, Linus, je t'en conjure, ajourne au mois d'avril tes baisers d'hiver. === XCVI. ÉPITAPHE