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pauvre Martial ! — En effet, notre homme, méprenant par la main, et me présentant à cette belle compagnie : — Voilà, dit-il notre Martial ! Proposez-lui les difficultés les plus difficiles : son vers et son esprit vous attendant de pied ferme ! — On commença donc ce supplice cruel qui consiste à tirailler la poésie d’un honnête homme en tous les sens, comme on fait d’une aune de laine pour voir si le tissu est solide et si l’étoffe ne se déchire pas.

Aussitôt chacun me donna son mot au hasard, afin que, par moi, ce mot fût agréablement enfermé dans un distique. Un gourmand s’écriait : Le poivre ! et je répondais : « Veux tu manger à point un gras bec-figue ? Saupoudre-le de poivre. »

Un autre s’écriait : La fève ! Je répondais à celui-là : — « Si la fève, avec sa cosse pâle, écume pour toi dans un pot de terre rouge, homme heureux, tu peux mépriser l’invitation des riches ! » Disant ces mots, je soupirais.

Un vieux sénateur que tu connais bien, l’avare Scèvola, fendant la foule :

— Çà, me dit-il, Martial, les kalendes de janvier s’approchent : bientôt chevaliers et sénateurs vont se parer de la robe des festins ; l’esclave lui-même s’apprête a remuer son cornet et ses dés sans craindre que l’édile le fasse plonger dans l’eau froide ; bientôt va venir l’heure des présents. Jeté prie, Martial, de me faire des vers pour chacun des cadeaux que j’ai à faire, afin que ton vers rehausse quelque peu la valeur de ces bagatelles ! — Oui, c’est ainsi que me parlait cet avare Scévola ; en souriant de pitié, je lui demandai ce qu’il voulait donner ?

— Mais, reprit-il, peu de chose ; par exemple, des tablettes de citronnier, des tablettes à cinq feuilles, des tablettes d’ivoire, des tablettes de parchemin, des tablettes vitelliennes, du grand papier, du papier à lettres, des coffrets de bois, des osselets, un cornet, des noix, une écritoire, des échecs, des cure-dents, des cure-oreilles, une aiguille d’or, un peigne,