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ce ruisseau, ces vertes prairies, ces rosiers chargés de fleurs, aussi beaux que les rosiers de Pœstum qui fleurissent deux fois Tannée, ces légumes qui verdissent en janvier sans redouter le vent de bise, ces rivières oh nage emprisonnée l’anguille domestique, cette blanche tour habitée par de blanches colombes, tels sont les dons de Marcella ma femme ; l’empire où je vis, où je règne, je le tiens de Marcella. Vienne Nausicaa m’offrir sa main et les jardins d’Alcinoüs, je répondrai : J’aime mieux Marcella et ses jardins.

Quelle fortune inexplicable ! vas-tu dire, cher Sextus. Je vois d’ici ton étonnement : est-ce bien là ce Martial, cet abandonné dont tu gourmandais la paresse ! Chaque matin, à Rome, quand toi, sénateur, tu avais fait tes soixante visites, tu me retrouvais encore au lit, moi pauvre et paresseux chevalier, et tu me grondais parce que dès le point du jour je ne m’étais pas mis en quête de salutations et de baisers. Tu proposais l’exemple de ton ambition à ma paresse. Entre nous, quelle différence, Sextus ! Tu prenais toutes ces peines pour placer un nom nouveau dans nos fastes consulaires, pour aller gouverner la Numidie ou la Cappadoce ; moi, je te prie, à quoi bon me lever de si bonne heure ? Que m’en serait-il revenu ? Eh ! Quand ma sandale brisée me laissait, pied nu, au milieu de la rue, quand un orage soudain m’inondait d’un torrent de pluie, en vain aurais-je appelé à mon aide ; je n’avais pas un esclave pour me changer d’habit. Pourquoi donc me serais-je donné toutes les peines que tu te donnais toi-même ? Nos peines auraient été les mêmes, nos chances n’étaient pas égales : tu aspirais au gouvernement d’une province, et moi tout au plus à un souper. Je t’ai laissé courir d’un pas leste après la fortune, et je l’ai attendue en dormant.

Comment donc cette fortune m’est arrivée, je vais te le dire. Je dînais un jour chez le riche Macer ; tu sais bien, ce même Macer qui, à force de donner des anneaux aux jeunes filles, finira par n’avoir plus d’anneaux. Ce Macer est un an—