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et malheureux à la fois de ma position présente, étonné et regrettant d’être riche, appelant, mais en vain, les grâces, l’esprit, l’intelligence qui m’entouraient dans mes beaux jours de poésie et de misère.

Il y a encore dans mes œuvres plusieurs poésies, bien différentes de ton et d’allure. En un mot, on dirait volontiers de mes vers ce qu’on pourrait dire des vers de tous les poëtes qui ont beaucoup écrit : quelques-uns sont de nulle valeur, et un grand nombre est médiocre ; mais aussi il y en a d’excellents.

III

Cher Sextus, c’est à toi que j’adresse ce troisième livre de mes Mémoires, qui sera aussi le dernier. Pendant que tu bats en tous sens le bruyant quartier de Suburra, pendant que, trempé de sueur, sans autre vent pour te rafraîchir que celui de ta robe, tu cours de palais en palais jusqu’au sommet de la montagne où Diane a son temple ; pendant que tu vas et viens, sans prendre haleine, du grand au petit Célius, moi enfin, après tant d’années, j’ai revu ma patrie ; Bilbilis m’a reçu et m’a fait campagnard, Bilbilis, orgueilleuse de son or, de son fer. Ici je dors d’un admirable sommeil, qui souvent se prolonge au delà de la troisième heure, et je compense avec usure les veilles de trente années. La toge est inconnue ici, mais chaque matin un esclave attentif m’apporte l’habit préparé la veille. A peine levé, je trouve un bon feu qui me salue de sa flamme brillante, heureux foyer que ma fermière entoure d’un rempart odorant de marmites bien garnies. De jeunes serviteur » s’empressent autour de moi tout le jour. A midi, je vais me promener dans mes jardins. Ce bois épais, ces fontaines jaillissantes, ces épaisses treilles où la vigne entretient un frais ombrage,