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n’a pas ajouté foi à ces calomnies dirigées contre son poëte. Le ciel préserve mes livres d’un succès si odieux ! Mes livres font leur chemin, au grand jour, sur les blanches ailes de la renommée.

Contre de si lâches attaques, de si plates calomnies, un silence dédaigneux est peut-être la seule arme qui conviendrait.

De mes ouvrages je ne dis plus qu’un mot. Le premier livre de mes épigrammes est tout entier consacré à des flatteries dont j’ai honte. Le second livre est enjoué et sans trop de malice. Le troisième, écrit dans les Gaules, a rapporté à Rome je ne sais quelle rudesse qui n’a pas déplu dans le palais de ces maîtres du monde. Dans le quatrième se lit cette invocation à Domitien que je voudrais effacer de mon sang. Le cinquième est le plus chaste de tous ; je l’ai dédié aux jeunes filles, aux jeunes garçons, aux chastes matrones. Le sixième livre (je recommençais à redevenir un homme libre) est adressé à mon ami le plus cher, à Jules Martial. Le septième est tout entier consacré à des vengeances personnelles. Attaqué, il fallait me défendre ; la renommée est un combat.

Mais j’ai déjà regret de tant de peines que je me suis données pour flageller des ennemis d’un jour, des ennemis inconnus et oubliés. Le huitième livre appartient encore à Domitien. Il fallait bien lui payer, hélas ! par ma honte, celte maison sans eau, sans fruits et sans ombrages, que m’avait donnée son avarice. Le livre neuvième est écrit avec un soin bien rare pour un improvisateur comme je suis. Le dixième, au contraire, a été dicté avec une précipitation sans exemple, et j’ai été obligé de l’écrire plusieurs fois. Quand parut le onzième, il eut d’abord peu de retentissemnt, car il vit le jour au moment oh Rome entière était partagée entre deux coureurs de chars, Scarus et Incitatus. Le livre douzième a été rêvé au milieu des tièdes félicités et du pesant ennui de la province ; j’étais heureux