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le jeune Eutichus, misérablement noyé dans le lac Lucrin, ou plutôt emporté par les Naïades amoureuses.

Rome entière a pleuré dans mes vers le petit Urbillus ; il lui fallait encore trois mois pour avoir trois ans. J’ai eu pour voisin un vieillard nommé Titulus : il m’eût fait son héritier si j’eusse voulu me faire son complaisant et son flatteur ; mais, loin de là, je lui disais : « Il en est temps, crois-moi, misérable Titulus, jouis de la vie ! Quoi donc ! la mort approche et tu fais encore de l’ambition ! courtisan assidu, il n’y a pas de seuil que tu ne fatigues ! » Titulus mourut assassiné par des voleurs, et je ne fus pas son héritier.

Que j étais fier de la grâce et de la beauté de Liber ! « Jeune homme, lui disais-je, parfume ta brillante chevelure avec l’anémone d’Assyrie, charge ton front de guirlandes de fleurs ; que le vieux falerne remplisse ta coupe de cristal ! » Quand Stella donna au peuple ces jeux magnifiques dont le peuple, tout ingrat et tout frivole qu’il est, se souvient encore, j’entonnai les honneurs de Stella. L’éloquent Salominus ayant placé dans sa bibliothèque mon portrait entre le portrait d’Ovide et celui de Gallus, je lui envoyai deux vers où je disais, ce que je pense, que l’amitié vaut mieux que la gloire. Interrogez Pistor : il vous dira toute la modération honnête et calme de mes vœux : « O Pistor ! laissons aux pauvres riches ces amas d’esclaves, ces charrues sans nombre, ces lits surchargés de lames d’or ; qu’on nous donne à nous un vase de cristal toujours plein d’une liqueur généreuse, et prenne qui voudra tout le reste ! »

Un jour, Priscus me demandait quel est le meilleur des repas : « Celui, lui répondis-je, où vous trouvez un ami et pas un joueur de flûte. » Un autre jour c’était Mamurra qui me consultait sur ses lectures. Le bon jeune homme n’aimait à lire que les vers sanglants : le meurtre et le poignard lui plaisaient avant toutes choses ; c’était de son âge ; Œdipe, Thyeste, Scylla, tels étaient ses héros, telles étaient ses héroïnes : « Allons, lui dis-je, laisse là ces fables