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que pour la gloire. J’ai eu pour ami Vinatius, mon esclave ; et, comme il était près de mourir, je l’ai affranchi, lui donnant ainsi la liberté, le plus grand don que je pouvais lui faire. J’ai été l’ami de Faustinus, et je n’ai envié ni sa maison de Baies, située dans cette allée profonde où mugissent les taureaux indomptés, ni son jardin d’une facile culture, ni ses vieux arbres, impénétrable abri contre le soleil. J’ai préféré Posthumus aux Pisons, descendants des amis d’Horace ; il était pauvre alors, et je partageais avec lui ce pauvre rien du pauvre Codrus dont il est parlé dans les satires de Juvénal. Depuis ce temps, Posthumus a fait fortune ; aussitôt il oublia notre amitié.

Je lui écrivis alors : « Mon cher Posthumus, tu étais pauvre et simple chevalier : à mes yeux tu valais un consul. Avec toi j’ai passé trente hivers ; nous n’avions qu’un lit, que nous partagions ensemble. A présent, au faîte des honneurs, riche, heureux, tu es riche, honoré, heureux tout seul. Quand tu seras redevenu pauvre, tu me retrouveras ton ami ! »

J’ai beaucoup aimé Colinus, l’aimable esprit, qui méritait le chêne du Capitole. A Lucius, mon compatriote des bords du Tage :

« Ami Lucius, mon frère, laissons, disais-je, aux poètes grecs le soin de chanter Thèbes ou Mycènes ; nous, enfants de l’Ibérie, ne reculons pas devant les noms rustiques de notre terre natale ! Parlons de Bilbilis remplie de fer, de Pla ea, fournaise ardente, du Salon où se trempent les armes des guerriers ; de Tudela et de Rixamarcs, qu’embellissent la musique et les danses ; de Cuartidi la gourmande et la dansante ; de Pelvère, touffu bosquet de roses ; de Rigas, où nos aïeux avaient un théâtre dont nous n’avons que les ruines ; de Silas, du lac de Turgente, de Petusia, des ondes pures de Véronina, et du bocage sacré où croissent les yeuses du Baradon, que le voyageur le plus paresseux traverse à pied comme une prome-