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rivage de Formies. Heureuse retraite qui n’a pas son égale à Tibiir, à Tusculum, à Préneste !

Il y avait à Rome un charmant poëte féminin, Sulpicia, poëte chaste et malin, à qui j’ai rendu grand hommage. Celle charmante femme, loin de sacrifier aux muses modernes, pleines de sang et de terreurs, enseignait les jeux badins, les belles amours et les nobles sentiments. Je l’ai surnommée l’Égérie de la poésie, et le nom lui en est resté. J’ai composé l’épitaphe du comédien Paris, les délices de Rome.

Ainsi on ne peut pas dire : Le jaloux Martial ! l’envieux Martial ! Même on ne peut pas dire : Le méchant Martial ! Parce que j’ai été un des maîtres de l’épigramme, parce que j’ai stigmatisé tant que j’ai pu les envieux et les méchants, parce que j’ai jeté à pleines mains le ridicule autour de moi, que j’ai subi la faim et le froid, parce que j’ai vécu dans l’abandon, que j’ai été un parasite à la table des grands, ce n’est pas à dire que je n’aie pas aimé, que je n’aie pas été aimé dans ma vie ; au contraire, les plus charmants poètes et les plus populaires, Ovide et Tibulle, n’ont pas eu plus d’amis célèbres et plus de belles maîtresses que Martial. L’esprit est une grande puissance : il sert aux hommes de beauté, de jeunesse, de fortune ; il remplace la naissance, il remplace toutes choses.

Donc je fus recherché dans les meilleures maisons ; je fus l’ami des plus illustres familles ; les plus jolies femmes de Rome ont tenu à honneur de courber leur front poli sous le tendre baiser de Martial. A quoi servirait donc la poésie, si elle n’apportait qu’humiliation sans fin, misères sans remèdes, isolement sans espérance ?

Je n’en finirais pas si je voulais dire ceux et celles qui m’ont aimé : parmi ces dernières, tendres cœurs qui ont eu pitié de moi, il en est que je ne puis nommer.

Les dieux me préservent de l’exil d’Ovide ! Mais ceux que j’ai aimés, je dirai leur nom ; je les ai rais dans mes vers afin que dans mes vers il y eût place pour l’amitié, aussi bien