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N’ai-je pas fait de beaux vers sur Aria et Pœtus, grand courage conjugal qui échappe à la tyrannie par la mort ? N’ai-je pas chargé Marc-Antoine d’une exécration bien méritée, lui qui ordonna (ô crime sans pareil !) le meurtre de Cicéron ? N’ai-je pas eu de douces larmes pour les fils de Pompée ? Qui mieux que moi a loué Quintilien, le suprême modérateur de la fougueuse jeunesse, la gloire de la toge romaine ? Qui donc a révélé le charmant esprit de Cassius Rufus ? Pas une gloire sincère que je n’aie dignement célébrée : le premier j’ai loué Perse de sa sobriété, en reconnaissant que j’avais contre ma gloire le grand nombre de mes vers.

Lorsque Othon l’empereur se perça de son épée pour terminer la guerre civile, j’oubliai sa vie pour ne célébrer que sa mort, aussi belle et plus utile que la mort de César… ; j’ai chanté Maximus Césonius, l’ami de l’éloquent Sénèque. Il osa braver la fureur d’un despote insensé. Dans un distique devenu célèbre, j’ai proclamé Salluste, et bien peu m’ont démenti, le premier parmi les historiens de Rome. Silius Italicus, d’une vie si modeste, le disciple de Cicéron et de Virgile, homme du barreau et du Mont-Sacré, a sa place dans mes vers. Pas un grand nom n’est oublié dans ma louange ; la pâle envie n’a point approché de mon cœur ; tous mes contemporains qui ont eu du génie ou de la vertu, je les salue avec respect : Rabirius l’architecte, Celer le préteur, Silius le consul, Nerva l’orateur, Catinus, honneur de la science, Agathinus, le vaillant soldat, Marcellinus, vainqueur des Gètes. Jamais je n’ai manqué d’envoyer à Pline le Jeune mes livres d’épigrammes. « Reçois mes vers, lui disais-je. Ils ne sont ni assez savants ni assez graves pour toi ; mais je fais des vœux pour qu’ils tombent en tes mains à l’heure où, délivré de ces travaux qu’attendent les siècles, s’allume pour toi la lampe des festins, à l’heure où la rose couronne tous ies fronts, où les cheveux se couvrent de parfums, où Caton lui-même sentait le besoin d’un vin pur. » — J’ai célébré Varus au tombeau, Apollinaris dans sa retraite, sur le doux