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parfois aussi, tout à l’amour, je célébrais les belles et jeune ? femmes qui avaient daigné sourire à ma poésie ; ou bien, tout à l’amitié, je me reposais de mon métier de parasite, et, chose incroyable ! j’invitais mes amis à dîner :

« Si vous êtes condamnés à dîner chez vous, venez jeûner avec votre ami Martial. Vous ne manquerez guère chez moi, vous les joyeux convives, ni de laitues communes de Cappadoce, ni de poireaux à l’odeur forte ; on vous servira le thon caché sous des œufs coupés par tranches, un chou vert bien tendre et cueilli le matin même, du boudin sur une saucisse blanche comme la neige, des fèves au lard. Pour le second service vous aurez des raisins secs, des poires de Syrie, des châtaignes de Naples, et môme des grives rôties à petit feu. Le vin sera bon à force d’en boire. On pourra aussi vous offrir des olives et des pois chauds. Modeste repas, mais heureux, car il n’y aura avec nous ni contrainte, ni esclaves, ni parasites, ni flatteurs.

« Venez ! vous n’aurez pas à supporter les insolences et les petits vers du maître de la maison ; de lascives Espagnoles ne viendront point, à la fin du repas, vous fatiguer de leurs danses obscènes. Venez, amis, ma belle Claudia vous précède aux sons de la flûte de Condylus ; elle sera la reine du festin ! »

C’étaient là mes plaisirs. Hélas ! dieux tout-puissants ! je n’aurais pas demandé d’autre vie ; à ces conditions j’étais un homme heureux et un poëte indépendant.

Je raconterai plus tard la seconde partie de ma vie poétique, à l’heure où Domitien fut mort. — Maintenant, c’est assez. Holà ! mon livre ! nous voici parvenus au bas de la page ; déjà le lecteur s’impatiente et se lasse ; le copiste lui-même en dit autant.