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fiquement par trente Syriens de haute stature ! Bien plus, ne rien recevoir de Sextus, mon vieil ami, parce que l’an passé à pareil jour, je n’ai pas été assez riche pour lui rendre l’équivalent de son manteau d’étoffe grossière !

Écrire en tremblant à Régulus ces trois vers : « Je n’ai pas une obole ; je n’ai plus d’autre ressource, Régulus, que de vendre les présents que j’ai reçus devons ; les voulez-vous acheter ? » Cinq jours après, tant c’est une triste chose, la misère ! j’écrivais à Cérellius : » Tu ne m’as rien donné pour le petit cadeau que je t’ai fait, et pourtant déjà se sont écoulés cinq jours des kalendes. Je n’ai pas même reçu de toi un scrupule d’argent, pas même un pot de thon d’Antibes ! Trompes-en d’autres par de fausses paroles ! » La rougeur me monte au front à ces souvenirs.

Dans mes bons jours, quand j’avais une toge cà demi neuve et de quoi vivre pour un mois, j’étais le plus heureux des hommes, car il fallait bien peu pour vivre à ce célèbre et redouté Martial. Je quittais Rome, où le temps va si vite : alors j’avais un peu de bonheur ; alors plus de clients le matin, plus d’avocats à midi, plus de vers à lire ; à la fin j’étais mon maître.

Au point du jour j’adressais ma prière à mes dieux domestiques, je me promenais dans mon petit enclos, je lisais les vers de Virgile, ou bien j’invoquais Apollon pour mon propre compte… Après quoi je frottais mes membres d une huile bienfaisante et me livrais à quelque exercice du corps, le cœur gai, sans songer à l’argent. Le soir venu, pendant que ma petite lampe jetait sur mes livres une douce clarté, j’écrivais lentement sous l’inspiration des muses de la nuit. Là j’étais véritablement mon maître, je redevenais un homme : osant chanter la liberté romaine, mon vieil amour, je célébrais tous les grands noms de la République, le vieux Caton, le vieux Brutus, tous les héros de cette Rome qui n’était plus ; j’écrivais à Juvénal, le maître de la satire romaine, et je lui envoyais les pâles fleurs de mon jardin ;