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d’un lion ; — le taureau abattu sous l’éléphant ; — ces deux gladiateurs qui, demandés chacun par leurs partisans, furent promis tous deux au public par un signe gracieux de ce prince invincible. — Enfin, pour comble de lâcheté, j’ai loué César d’avoir payé les délateurs : « Romains, m’écriai-je, comptez votre vie parmi les bienfaits de César ! »

Malheureux que j’étais ! Et comme il recevait toutes mes lâchetés, cet homme ! A peine il avait pour mes tremblantes et modestes poésies un sourire ; et moi, plus lâche encore, je lui demandais pardon de l’avoir flatté : « Pardonne à mes vers, César : celui qui s’empresse pour te plaire ne mérite pas ta disgrâce ! »

Pour me payer toutes ces hontes, l’empereur me donna, non loin de Rome, une méchante maison de campagne que personne ne voulait acheter, et quelques sapins trop jeunes pour en attendre un peu d’ombre en été, ou de feu en hiver, La maison, mal bâtie, était hors d’état de supporter les pluies et l’humidité du ciel : elle nageait au milieu des eaux que répandait l’hiver. Stella le sénateur eut pitié de ma misère, et m’envoya des tuiles pour mettre à l’abri le présent de l’empereur.

En retour, et quand le printemps fut venu, j’envoyai à Stella des oiseaux de basse-cour, des œufs de poules et de canes, des figues de Chio dorées par un doux soleil, un jeune chevreau et sa mère plaintive, des olives trop sensibles au froid, un chou blanchi par la neige, et des vers où je lui disais : « N’allez pas croire, Stella, que tous ces biens me viennent de ma maison de campagne : mes champs ne portent rien que moi-même ; je n’ai pas d’autre récolte que celle que j’achète au marché. » Et véritablement, dans cette maison de César, le nuage me couvrait en hiver, la poussière aride en été. En vain je demandai à l’empereur de m’accorder un filet d’eau, pour arroser les quatre sapins qui composaient mon domaine ; mes vers étaient touchants ; ma prière fut inutile, le lui demandais un peu d’eau, il me donna