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race et d’Ovide, écho sonore de l’école athénienne, Martial de Bilbilis, la misère le reçoit aux portes de Rome, et la misère est son seul esclave ! Martial meurt de faim pendant que la vieille Lycoris gagne encore, à vendre ses baisers flétris, cent mille sesterces chaque année ! Lucius Julius, un de mes patrons, me dit au sortir de table, à moi qui suis à jeun : — Travaille, Martial ! Faisons quelque chose de grand ! Tu es un paresseux, Martial !

Chose étrange ! Entendre les heureux de ce monde parler ainsi ! Au moins, mes maîtres, si vous voulez que votre esclave fasse une chose honorable, faites-lui vous-mêmes des loisirs tels que Mécène en faisait jadis à ses amis Horace et Virgile ; alors j’essayerai un poëme pour les siècles à venir. Les Virgiles ne manqueront pas tant qu’il y aura des Mécènes ; mais moi, si je veux avoir le misérable morceau de pain que Gallus donne tous les trois jours à ses clients, il faut que je sorte de ma maison de bonne heure : la maison de Gallus est située au loin, de l’autre côté du Tibre, et je dois attendre son réveil. Si je dîne chez Tulla, il se trouve que le vieux vin de Tulla est mêlé, pour moi, d’un vin détestable ; falerne assassiné. — Si je dîne chez Cécilianus, ce bon hôte avale seul, et sans m’en offrir, un grand plat de champignons, et moi je mange, en retenant mes larmes, les restes de ses esclaves ! — Si je vais saluer Bassa le matin, il me reçoit, accroupi sur un vase d’or, l’indigne ! Il lui en coûte plus cher pour vider son ventre, qu’il ne lui en coûterait pour remplir le mien pendant toute une année ! — Décianus m’invite pour l’amuser, et il m’accouple avec Cécilius, un plat bouffon qui échange des allumettes contre des verres cassés, un avaleur de vipères, un marchand de pois bouillis !

A souper, chez lui, le riche Mancinus nous fait servir un tout petit cochon de lait dont on fait soixante parts ; et pendant que nous arrachons ce pauvre rôti en parcelle ? inaperçues, notre hôte avale tranquillement de belles grappes de