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Le bœuf passe : un saumon succède ; avec ardeur Ainsi que le dîner la lecture s’engage, Et nous voyons du même train, Saumon et premier chant arriver à leur fin. De la nous passons aux entrées ; Tandis qu’un chant nouveau par l’auteur entamé Se poursuit, se déroule avec feu déclamé, Par trois valets rapidement livrées A l’appétit du convive affamé, Mieux que les vers elles sont dévorées, Et seront, à coup sûr, bien plus tôt digérées. Arrive le rôti ; d’un courage nouveau A cet aspect l’amphitryon s’anime. Armé du livre et du couteau . De son double instrument tour à tour il s’escrime ; Et son troisième chant, qui visait au sublime, Expire justement avec son aloyau. La grosse faim est apaisée ; En attendant que par de nouveau mets Elle renaisse encor plus aiguisée, Le quatrième chant s’ouvre : froids et muets, Les yeux demi-fermés. les auditeurs-convives ; Le front penché, les mains oisives, S’endormaient presque, et nul n’applaudissait : L’appétit, la lecture, enfin tout languissait ; Quand le patron, guidé par un instinct unique, Saisit un flacon de Porto, Qu’il assure bien authentique, Et dans un cristal pur, transparent comme l’eau, Fait tomber à flots d’or le breuvage magique. La troupe se réveille, et d’un premier bravo, Que l’auteur à ses vers modestement applique, Fait retentir la salle académique. Auteurs que flattent les bravos, De la critique qui vous guette Voulez-vous briser les ciseaux, Endormir l’envie inquiète Et désarmer tous vos rivaux ? D’excellents vins faites emplette ; Que Voltaire et les deux Rousseaux, Racine même et Despréaux Laissant chez vous la place nette,