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Ces jours passés, chez un auteur poète, A dîner je fus invité… A ce mot, je vois qu’on m’arrête… — Dîner chez un auteur ! c’est un conte inventé ; Chez un poète encor ! le fait est incroyable, Et s’il est vrai, du moins il n’est pas vraisemblable. — Mesdames et messieurs, pardonnez ; c’est un fait, Et de vos préjugés revenez s’il vous plaît. Le temps n’est plus où quêtant leur cuisine, Les Colletets, crottés jusqu’à l’échine, Du Parnasse passaient tout droit à l’hôpital. Aujourd’hui tel poète en fermier-général Peut traiter ses amis sans s’en trouver plus mal, Et, dussiez-vous encor m’accuser d’hyperbole, Dans l'Hippocréne a su rencontrer le Pactole. Pourtant, le fait encor n’est pas très-général, Je le sais trop, hélas ! Mais si, plus équitable, Quelque jour de ses dons faisant partage égal, Plutus sur les auteurs jette un œil favorable, Peut-être à ma détresse il aura quelque égard, Et, s’il pleut des faveurs, m’en donnera ma part. Amen ! Mais terminons ici la parenthèse, Et sans plus divaguer reprenons notre thèse. Au jour, à l’heure fixe, au local convenu, L’un des premiers je suis rendu : Aux dîners, comme ailleurs, je puis souvent attendre, Mais je ne veux jamais être attendu. L’heureux signal enfin se fait entendre, Et, sans trop de façons, les dîneurs empressés, Du salon dans la salle à l’instant sont passés. On se pousse, on se presse, et chacun sur sa chaise Gêne un peu son voisin pour se mettre à son aise. Sur la mienne, à la fin, je me vois arrangé. Au centre de six plats, avec pompe arrangé. J’aperçois un coussin de velours orangé, Vrai trône où reposait un assez gros ouvrage : L’Horticulteur, poème en cinq chants partagé. Je frémis ; et dès lors, pauvre oiseau mis en cage, Je reconnais le piège où je suis engagé. Mais quoi ? je dois me taire et m’armer de courage Au début, avec le potage On nous sert la préface, et l’avis au lecteur ;