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XXVI

tour enjoué et sévère, triste et rieur, plein de joie, barbouillé de lie, plein d’amour, parfumé comme Cosmus, folâtre avec les garçons, amoureux avec les jeunes filles, chantant Numa et célébrant les saturnales. Mais, croyez-le, ce ne sont pas mes mœurs que je consigne dans ces livres.

Par Jupiter et par Bacchus ! j’ai écrit aussi pour nos bons bourgeois, gens peu difficiles, qui aiment avant tout le gros rire, et qui sont prêts à tout pardonner à ce prix. La poésie de Lampsaque les égaie, et dans ma main résonne l’airain qui retentit aux champs tartessiens. Combien de fois, et malgré vous, mes censeurs, vous sentirez l’aiguillon de l’amour, fussiez-vous Curius et Fabricius ! Quant à Lucrèce … Mais Lucrèce a rougi parce que Brutus était présent. Va-t’en, Brutus, Lucrèce elle-même me lira.

Mais c’est assez répondre à celle canaille déchaînée contre Martial. J'ai été toute ma vie entouré d’aboyeurs, de plagiaires ; c’était mon lot de faiseur d’épigrammes, et je ne m’en plains pas : quiconque attaque doit être attaqué à son tour ; seulement, il est malheureux que celui-là qui attaque avec esprit, avec courage, soit attaqué lâchement et sans esprit, et dans l’ombre. J’ai eu des ennemis si affreux qu’ils colportaient, en me les attribuant, des propos de valets, d’ignobles méchancetés, des turpitudes dignes de la bouche d’un baladin, et autres infamies dont un courtier de pots cassés ne donnerait pas la valeur d’une allumette. Affreuses intrigues qui sont retombées sur leurs tristes auteurs. Non, Rome n’a pas ajouté foi à ces calomnies dirigées contre son poète. Le ciel préserve mes livres d’un succès si odieux ! Mes livres font leur chemin au grand jour, sur les blanches ailes de la renommée ! Pourquoi donc me donnerais-je tant de peines pour me faire une mauvaise réputation, quand il suffirait de mon silence pour me faire remarquer ?

De mes ouvrages je ne parlerai plus. Le premier livre de mes épigrammes est tout entier consacré à des flatteries dont j’ai honte. Le second livre est enjoué et sans trop de malice. Le troisième livre, écrit dans les Gaules, a rapporté à Rome je ne sais quelle rudesse qui n’a pas déplu dans les palais de ces maîtres du monde. Dans le quatrième livre se lit cette invocation à Domitien, que je voudrais effacer avec mon sang. Le cinquième livre est le plus chaste de tous ; je l’ai dédié moi-même aux jeunes filles, aux jeunes garçons, aux chastes matrones. Le sixième livre (je recommençais à redevenir un homme libre) est adressé à mon ami le plus cher, à Jules Martial. Le septième livre est tout en-