Page:Martial - Épigrammes, traduction Dubos, 1841.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée
XXIII

pas : « Celui, répondis-je, où vous trouvez un ami et pas un joueur de « flûte. » Un autre jour c’était Mamurra qui me consultait sur ses lectures. Le bon jeune homme n’aimait à lire que les vers sanglants, le meurtre et le poison lui plaisaient avant toutes choses ; c’était de son âge : Œdipe, Thyeste, Scylla, tels étaient ses héros, telles ses héroïnes. « Allons, lui dis-je, laisse là ces fables. Que te fait l’enlèvement d’Hylas ! « que veux-tu tirer du sommeil d’Endymion et de la chute d’Icare ? « Nous sommes au temps des études sérieuses : renonce aux fables « frivoles, et lis les histoires. » En effet, notez-le bien, si cette époque de décadence se manifeste à l’avenir, ce sera surtout par l’histoire ; les poêtes qui auront joué comme j’ai fait avec les révolutions qui passent et les monuments qui tombent, la postérité les traitera mal. Fou que j’étais ! le conseil que je donnais à Mamurra, pourquoi donc ne l’ai-je pas suivi ?

Ont encore été mes amis, et mes amis dévoués, et dont je suis fier, Antonius Primus, le noble vieillard, qui, à sa quinzième olympiade, vivait encore pour la vertu. Il me donna son portrait, entouré de roses et de violettes, quand il était dans la force de l’âge. Quel chef-d’œuvre c’eût été là, si le peintre avait pu représenter les qualités du cœur aussi bien que la beauté du visage ! Frontinus, l’heureux propriétaire de cette villa d’Anxur bâtie sur la mer ; Restitutus l’avocat, le défenseur des misérables, le père de l’orphelin, le vengeur des vierges déshonorées ; Flaccus encore.... Mais j’ai renoncé à un ami dont j’ai vu la femme avaler chez moi, à elle seule, six tasses de saumure, deux tranches de thon, un petit lézard d’eau, six harengs servis sur un plat rouge, et du vin à l’avenant. Chrestillus.... Mais celui-là aimait trop les vieux mots du vieux langage, dont Salluste lui-même, malgré son génie, a trop usé.

Parmi les belles Romaines, Italiennes de Rome ou Barbares de nos provinces, il en est que j’ai bien aimées ! Telesitha, par exemple, la danseuse de Cadix, si habile à peindre la volupté au bruit des castagnettes de la Bétique ; Lesbie, impudente autant que jolie ; Lycoris, avare autant que la Cynnara d’Horace, et aussi désintéressée envers moi que Cynnara le fut pour Horace ; Claudicis, née sur les côtes de la Bretagne ; mais elle avait toute l’âme des filles du Latium, et en même temps que de beauté dans sa personne ! ( Les femmes de l’Italie la prenaient pour une Romaine, les femmes de l’Attique pour une Athénienne.) Cerellia, morte dans les flots de Bauli à Baies : Gellia la cour-