Page:Martial - Épigrammes, traduction Dubos, 1841.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée
XXII

« tends quelque méchant m’appeler un envieux, donne-lui un démenti « à haute voix ! »

Rome entière a pleuré par mes vers le petit Urbillus ; il lui fallait encore trois mois pour avoir trois ans. J’ai eu pour voisin un vieillard nommé Titulus, dont j’aurais été l’héritier si j’eusse voulu me faire son complaisant et son flatteur ; mais, loin de là, je lui disais : « Il en est « temps, misérable Titulus, jouis de la vie ! Quoi donc ! la mort approche, « et tu fais encore de l’ambition ! courtisan assidu, il n’y a pas « de seuil que tu ne fatigues ! chaque matin tu as déjà parcouru les « trois tribunaux à l’heure où les chevaliers prennent place ! Tu rodes « comme une ombre en peine autour du temple de Mars et du colosse « d’Auguste pendant la troisième et la cinquième heure ! Prends, « amasse, emporte, possède : il te faudra quitter tout cela. De quelque « éclat que brille ton coffre-fort gorgé d’écus, quelque chargé que soit « ton livre d’échéances, ton héritier jurera que tu es mort insolvable, « et, tandis que s’élèvera ton bûcher de papier, sur le grabat où reposera « ton corps ton héritier boira les vins de ta cave ! » Titulus mourut « assassiné par des voleurs, et je ne fus pas son héritier.

Que j’étais fier de la grâce et de la beauté de Liber ! « Jeune homme, « lui disais-je, parfume ta brillante chevelure avec l’anémone d’Assyrie, « charge ton front de guirlandes de fleurs, que le vieux falerne « remplisse ta coupe de cristal ! » Quand Stella donna au peuple ces « jeux magnifiques dont le peuple, tout ingrat et tout frivole qu’il est, « se souvient encore, j’entonnai les honneurs de Stella : « Stella ne se « trouve jamais quitte avec le peuple ; ni l’or de l’Hermus ni l’or du « Tage ne suffisent à sa main prodigue : il jette au peuple une pluie de « médailles, il lui livre les animaux les plus rares, les oiseaux les plus « magnifiques ! » L’éloquent Salominus ayant placé dans sa bibliothèque « mon portrait entre le portrait d’Ovide et celui de Gallus, je lui envoyai deux vers où je disais, ce que je pense, que l’amitié vaut mieux que la gloire. Interrogez Pistor : il vous dira toute la modération honnête et calme de mes vœux : « O Pistor ! laissons aux pauvres riches ces amas « d’esclaves, ces charrues sans nombre, ces lits surchargés de résonnantes « lames d’or. Qu’on nous donne, à nous, un vase de cristal toujours « plein d’une liqueur généreuse, et prenne qui voudra le reste ! « A quoi bon cette litière entourée de clients affamés ? Si j’étais riche, « sais-tu à quoi j’emploierais ma fortune, ami Pistor ? à donner et à « bâtir. » Un jour, Priscus me demandait quel est le meilleur des re-