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XIV

j’aurais été tout nu par la ville. Chère et belle robe ! plus blanche que l’ivoire, plus souple que l’aile de cygne, plus fine que les tapisserie ? de Babylone ! Je l’embrassais avec reconnaissance ; je lui disais merci du fond de l’âme. Jamais un amant n’eut plus d’amour pour sa maîtresse que moi pour ma robe si chaude et si blanche. Hélas ! je me souviens encore de mon désespoir quand, après deux ans de service malgré tous mes ménagements, cette belle robe fut usée. Je chantai ma peine aux échos d’alentour : « La voilà, cette robe que j’ai si souvent « chantée dans mes vers ! Autrefois elle rehaussait ma qualité de chevalier « quand sa laine, neuve encore, brillait de tout son lustre, quand « elle était digne encore de Parthénius, mon bienfaiteur. Maintenant « elle est usée à tel point et si froide, que le dernier mendiant l’appellerait « une robe de neige. Ce n’est plus la toge de Parthénius : ce n’est « plus, hélas ! que la toge du malheureux poète Martial. »

Quelle vie de privations et de misères ! habiter un toit qui fait eau de toutes parts ! gratter et non pas cultiver un jardin sans fruits et sans ombrage ! n’oser sortir de chez soi par crainte d’user sa toge, et cependant être forcé de sortir chaque jour pour saluer d’avares protecteurs, tendre la main à tous les mépris et à tous les méprisés de Rome ! aller saluer Paullus l’usurier, qui demeure aux Esquilies, et après avoir péniblement franchi la plaine de Suburra, entendre le portier s’écrier : Mon maître est absent ! attendre avec l’impatience d’un mendiant les Saturnales, époque de fêtes et de largesses, et recevoir pour tout cadeau, de l’opulent Antoine, une douzaine de tablettes, sept cure-dents, une éponge, une nappe, un gobelet, un demi-boisseau de fèves, un panier d’olives du Picénum, une bouteille de lait de Latamia, de petites prunes de Syrie et des figues blanches de Damas, le tout valant bien trente sesterces, et porté magnifiquement par trente Syriens de haute stature ! Bien plus ; ne rien recevoir de Sextus, mon vieil ami, parce que l’an passé, à pareil jour, je n’ai pas été assez riche pour lui rendre l’équivalent de son manteau d’étoffe grossière ! écrire en tremblant à Régulus ces trois vers : « Je n’ai pas une obole ; je n’ai plus « d’autre ressource, Régulus, que de vendre les présents que j’ai reçus « de vous : les voulez-vous acheter ? » Cinq jours après, tant c’est une « triste chose que la misère j’écrivais à Cérellius : « Tu ne m’as rien « donné pour le petit cadeau que je t’ai fait, et pourtant déjà se sont « écoulés cinq jours des calendes. Je n’ai pas même reçu de toi un scrupule d’argent, pas même un pot de thon d’Antibes ! Trompes-en d’autres