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le causse de sauveterre

cette manifestation du feu intérieur se trouve sur la ligne qui joint les cratères d’Auvergne aux buttes volcaniques des environs de Lodève et de Cette. Les matières éruptives qui ont crevé le plateau central n’auraient-elles pas réussi à percer toute l’épaisseur des causses jurassiques et n’auraient-elles pu qu’injecter leur base ? Nous reviendrons sur cette curieuse question. (V. chap. XXII.)

Le cañon s’élargit à droite, et les falaises se changent en talus et en pentes mamelonnées, tandis que la paroi du causse Méjean se continue au sud ; au bord du Tarn, des bandes de roches aplanies par les eaux portent le chemin.

Une trentième et dernière source, celle de la Muse, chante sous l’herbe d’un pré. — Le piton de Capluc annonce la fin du causse Méjean et le confluent de la Jonte.

On passe sous le pont du Rozier, et puis le bateau accoste. Le Tarn entre dans la plaine de Millau ; son lit s’étend, sa vallée s’élargit, le cañon cesse : c’est la fin de la descente enchantée.

Nous sommes au Rozier, à Peyreleau, et nous regrettons de dire adieu aux adroits bateliers du Tarn !




CHAPITRE IV

le causse de sauveterre


Traversée du causse. — Cinq directions : Mende—Ispagnac ; Mende—Sainte—Énimie ; Chanac— Massegros—Boyne ; Banassac—la Malène ; Sévérac—Massegros—les Vignes. — Causse de Sévérac et forêt des Palanges. — Au bord du causse : le chemin suspendu. — Le Point Sublime. — Les Baumes-Chaudes. — Le puits du Lac. — Le cirque de Saint-Marcellin.


Bien lente, bien triste, bien rude, bien ennuyeuse paraît à tous la traversée du haut causse. De longues heures elle dure, pendant lesquelles une invincible torpeur envahit le voyageur : mais aussi quel réveil enchanteur de l’autre côté de la grise table de pierre, quand le terrain manque brusquement sous les pieds, quand l’entaille du cañon vert et rouge s’ouvre béante en précipices de 500 mètres ! Et si, longeant le sinueux rebord du plateau, on suit la gorge par le sommet des falaises, la succession des vues plongeantes obtenues n’est pas moins surprenante. Du Lot au Tarn nous allons parcourir d’abord les diverses routes du causse de Sauveterre, puis nous visiterons les plus beaux points de son parapet au-dessus du grand cañon.

Les géographes nomment causse de Sauveterre tout le haut pays qui s’étend du col de Montmirat, du pied du mont Lozère, aux sources de l’Aveyron, c’est-à-dire au chemin de fer de Marvejols à Millau ; les paysans n’appellent ainsi que la portion du plateau située à l’est du grand ravin de la Malène et désignent comme causse du Massegros tout ce qui est à l’ouest de ce ravin. D’après M. de Malafosse, la dénomination ne serait pas due au petit village de Sauveterre (route de Mende à Sainte-Énimie), mais bien à un fief donné en 951 aux moines