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les cévennes


CHAPITRE III

le cañon du tarn. — de la malène au rozier


Cap du Planiol. — Rocher Montesquieu. — La baronne de Montesquieu. — Le Détroit. — Le cirque des Baumes. — Perte du Tarn et pas de Soucy. — Légendes de l’Aiguille. — Sous la Roche Sourde. — Bassin des Vignes. — Le pic de Cinglegros. — Le roman de Peyreverde. — Les basaltes des Églazines.


« De Castelbouc à Sainte-Énimie et à Saint-Chély, la descente en barque est une belle et charmante promenade ; de Saint-Chély à la Malène, c’est magnifique ; mais de la Malène au pas de Soucy, c’est merveilleux.

« J’ai fait ce dernier trajet plusieurs fois : Le matin, au milieu de la journée, au soleil couchant ; j’ai remonté en barque jusqu’à la Malène, voyant ainsi cette merveille sous différents aspects ; et pouvant, comme pour une autre merveille française, le cirque de Gavarnie, dont vingt fois j’ai franchi les murailles, loin d’être lassé, chaque fois j’ai été plus émerveillé, chaque fois mon désir de la parcourir à nouveau s’est accru.

« Si le temps est sombre et qu’il vous soit possible d’attendre, retardez votre départ et restez plutôt un jour à la Malène : vous pourrez d’ailleurs facilement utiliser cette journée en faisant une promenade sur l’un des causses. Pour bien voir la nature méridionale du cañon, il faut le soleil, brillant, clair et joyeux, pailletant d’or les eaux vertes du Tarn, distribuant la lumière et l’ombre aux grandes roches et aux massifs de verdure ; il faut le ciel bleu se mirant dans la rivière et de ses reflets drapant de gaze miroitante d’un bleu vert les surplombs des roches rouges. » (A. Lequeutre.)

Le matin surtout, aux rayons obliques du soleil à peine éveillé, l’on admire les effets azurés de lumière parmi les buées tremblantes que l’évaporation de la rosée exhale.

Auprès du pont de la Malène, sur la rive gauche, jaillit la source appelée Galène. Elle correspond, dit la légende, à l’aben de la Rouverette, situé peu avant dans le causse et au bord de la route de Meyrueis. Bien que l’ouverture en fût très petite (2 m. de diamètre), il était très dangereux, et on y avait souvent perdu des bestiaux ; aussi s’est-on décidé à le voûter.

À peine la barque a-t-elle perdu de vue la Malène, que la gorge est barrée par le cap du Planiol ; là s’élevait jadis un château fort réduit aujourd’hui à deux pans de murs. Depuis le commencement du xiiie siècle il a appartenu à la maison de Montesquieu, dont les cadets prenaient souvent le nom de ce fief. Ce n’était qu’une tour de défense ; néanmoins lorsque, en 1627, le duc de Rohan, après s’être emparé de Florac, voulut, à la tête des Cévenols, faire une pointe en Gévaudan, le sire de Montesquieu, fortement armé dans ses deux châteaux de la Malène et du Planiol, ne lui laissa pas franchir le Tarn ; le chef des huguenots dut rétrograder, et les états votèrent des remerciements au baron de Montesquieu.

Autour de ce cap se récolte le meilleur vin de la Malène, réputé à juste titre dans tout le cañon du Tarn.