Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.
47

le cañon du tarn. – de sainte-énimie à la malène

au bord du Tarn le nouveau château, qu’elle habite encore. En 1793[1], ce château fut dévasté par l’incendie, et il ne reste des anciens bâtiments que les tours sans caractère et quelques voûtes ; le surplus a été refait.

À la même époque, lors de l’échauffourée royaliste d’Antoine Charrier (ancien notaire à Nasbinals-d’Aubrac et député du Gévaudan aux états généraux de 1789, qui voulut soulever le midi de la France au nom du roi), les troupes républicaines mirent le feu au village, et c’est, paraît-il, à la fumée huileuse d’une maison remplie de noix et adossée au rocher qu’il faut attribuer la singulière coloration noire de la falaise. L’incendie causa d’ailleurs peu de mal aux maisons, la plupart étant voûtées jusqu’au dernier étage.

Pour maintenir la Canourgue en communication avec le causse Méjean, Charrier avait établi un poste de trente chasseurs à la Malène ; ce poste, solidement embusqué derrière les rochers, empêcha d’abord les républicains d’enlever le bourg ; un stratagème le leur livra peu de jours après. L’un d’eux, dépêché vers le poste de la Malène comme étant un volontaire de Charrier, fit croire aux chasseurs que celui-ci approchait et leur ordonnait de le rejoindre en un point où flottait un drapeau blanc. Pris au piège du faux royaliste, les trente défenseurs de la Malène périrent dans l’embuscade préparée ; le village succomba, fut brûlé, et beaucoup de ses habitants montèrent sur l’échafaud, à Florac et à Mende. Charrier lui-même fut exécuté à Rodez le 17 juillet 1793.

L’église de la Malène, de style roman, est défigurée par le badigeon, comme presque toutes celles de cette région. Aux murs extérieurs, notamment à l’abside, quelques portions de l’appareil peuvent être dues à des constructeurs carlovingiens. Le monument n’en reste pas moins insignifiant ; à l’intérieur, un cénotaphe en marbre blanc a été élevé à la mémoire des habitants du village tués en 1793, et que l’on désigne communément sous le nom de « martyrs de Malène ».

En face de la Malène, sur la rive gauche du Tarn, une chapelle consacrée à Notre-Dame de Lourdes a été établie à l’entrée d’une grotte surmontée d’une grande statue de la Vierge. Un pèlerinage annuel y a lieu au mois de mai. De la plate-forme, la vue est magnifique. Il en est de même de la route de voitures qui monte sur le causse Méjean et qui conduit à Florac en coupant celle de Sainte-Énimie à Meyrueis. Cette route, rendue carrossable depuis assez peu d’années, permet aux nombreux pêcheurs du Tarn d’aller porter leur poisson sur le marché de Meyrueis.

Le pont, bâti vers 1860, a été emporté en 1875 et refait depuis.

On couche généralement à la Malène, pour s’engager le lendemain au matin dans la plus belle partie du cañon.




  1. V. Ernest Daudet, Histoire des conspirations royalistes du Midi sous la Révolution. Paris, Hachette, 1884, in-12 ; l’Infâme » Charrier.