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qui croit aussi à l’invasion ; mais il convient d’ajouter que l’accord n’est pas fait jusqu’ici parmi les savants : car, dans un ouvrage tout nouvellement paru, M. Cartailhac affirme encore qu’« entre les gisements paléolithiques les plus récents et les gisements néolithiques les plus anciens il y a une solution de continuité », et que l’immigration formidable invoquée par Broca « est un roman[1] ».

M. Cartailhac paraît cependant ébranlé dans sa croyance à l’hiatus par ses fouilles de la grotte de Reilhac (Lot). ( V. la Grotte de Reilhac, par E. Cartailhac et M. Boule, p. 27 et 43. Lyon, Pitrat, 1889, in-4o.)

Il ne nous appartient pas de prendre un parti.

Les fouilles Prunières ont été les premières (en 1873) à faire connaître une bien curieuse pratique de ces temps si reculés : celle de la trépanation préhistorique, révélée par la découverte de crânes perforés et de rondelles crâniennes.

« Broca, examinant ces pièces avec l’œil d’un chirurgien expérimenté… formula les deux propositions suivantes :

« 1° On pratiquait, à l’époque néolithique, une opération chirurgicale consistant à ouvrir le crâne, pour traiter certaines maladies internes. Cette opération se faisait presque exclusivement, peut-être même exclusivement, sur les enfants (trépanation chirurgicale).

« 2° Les crânes des individus qui survivaient à cette trépanation étaient considérés comme jouissant de propriétés particulières, de l’ordre mystique ; et lorsque ces individus venaient à mourir, on taillait souvent, dans leurs parois crâniennes, des rondelles ou fragments, qui servaient d’amulettes, et que l’on prenait de préférence sur les bords de l’ouverture cicatrisée (trépanation posthume). » (De quatrefages, ouvrage cité, p. 128[2].)

Les dolmens abondent dans la Lozère, parce que la pierre n’était point rare.

Les tumuli ont succédé aux dolmens. Ce sont des amoncellements de cailloux et de terres rapportées élevés en forme de dômes, d’intumescences, et atteignant au maximum 1m,50 de hauteur et 28 mètres de diamètre. On y recueille des restes d’une civilisation plus avancée encore que celle des dolmens : armes de bronze, objets en jais, bracelets et boutons en métal, colliers de verre, poteries fines, etc.

On y constate aussi l’habitude de la crémation des morts[3].

Les tumuli touchent à l’antiquité historique. Ils appartiennent aux âges du bronze et du fer, et le docteur Prunières croit avoir constaté entre eux et les dolmens des transitions insensibles, comme entre les dolmens et les cavernes ; sur ce point, son opinion ne paraît guère discutable.

Nous ne saurions détailler davantage cet exposé de la préhistoire dans les Cévennes : il eût fallu parler des grottes des environs de Ganges, de Montpellier, de Lodève. Un volume entier n’y eût pas suffi.

Nous avons dû nous contenter de faire comprendre l’importance des découvertes préhistoriques faites dans les Causses, et surtout des travaux du docteur Prunières.

  1. Cartailhac, la France préhistorique, p. 122 et suivantes.
  2. V. Dr Prunières, Association française pour l’avancement des sciences, congrès de Lyon, Blois, etc., et Bull. de la Soc. d’anthropologie pour 1878, p. 420.
  3. V. Dr Prunières, Tumuli des causses lozériens : Association française pour l’avancement des sciences, congrès de Rouen, 1883.