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les cévennes

À Padirac, il n’y a qu’une seule galerie, haute et étroite : les lacs (élargissements) et les abaissements des voûtes se trouvent aux coudes, qui sont tous angles à peu près droits. (V. le plan.) Tout cela est conforme aux expériences de M. Daubrée sur les cassures.

À la grotte du Sergent, même disposition rectangulaire des ramifications : élargissements aussi aux croisements des fentes, etc.

De tout cela nous déduisons ce que voici :

Les plus anciennes eaux courantes des Causses ont d’abord cherché leur voie parmi les fissures ou les dépressions des bancs supérieurs : pénétrant ensuite dans les diaclases des dolomies, suivant l’allure constatée à Bramabiau et à Padirac, elles ont élargi ces cassures et évidé des cavernes (c’est ce que font à notre époque les rivières souterraines du Karst, en Istrie) ; sous l’effort des courants ramifiés, les polyèdres de roches limités par les diaclases se sont par endroits amincis en piliers, à la mode de l’exploitation des carrières de gypse ; rongés au pied, ces piliers entraînaient dans leur chute des voûtes immenses, Dans leur descente à l’Océan, favorisée par l’inclinaison des couches vers le sud-ouest, les eaux adoptèrent sous terre des directions générales (esquisses des thalwegs futurs), coudées suivant le sens des principales diaclases ou la disposition des failles. Puis les marnes sous-jacentes furent attaquées à leur tour ; la roche compacte, déjà toute corrodée, vint à perdre sa base et s’effondra petit à petit comme un plafond dont on enlèverait un à un les supports. Alors l’écoulement cessa d’être souterrain : l’érosion aérienne continua seule, par le délayement des marnes tendres, le travail commencé par le cavernement des dolomies résistantes, et l’approfondissement des cañons devint, de siècle en siècle, plus considérable.

La première phase de cette formation de vallées n’a donc pas consisté dans le simple sciage vertical des dolomies par des rivières creusant leur lit de plus en plus, mais bien dans le développement, puis l’écroulement des cavernes. Les Causses eux-mêmes nous en fournissent cinq preuves manifestes :

1° Bramabiau montre, sur une échelle réduite, le mode de transformation des diaclases en cavernes.

2° Les grottes hautes (300 m. à 400 m. au-dessus des vallées) ont trois sortes d’aspect : puits verticaux et étroits, grandes salles d’éboulements, longs couloirs élevés. Or, les puits et galeries des Baumes-Chaudes découpent la montagne en véritables polyèdres, et les subdivisions de Dargilan sont toutes perpendiculaires entre elles. Les diaclases ont donc été les directrices constantes des eaux souterraines. L’excavation de ces grottes est due aux dérivations latérales des courants primitifs intérieurs ; leur extension s’arrêta dès que ces courants eurent trouvé, à un niveau inférieur, un écoulement normal et aérien dans les marnes friables.

Car les ruisseaux et torrents souterrains furent déplacés, soutirés par l’approfondissement graduel des vallées, qui jouèrent dès lors le rôle de drains.

3° Les accidents si pittoresques des falaises dolomitiques font voir leurs aiguilles et leurs tours, hardiment détachées des parois par le seul effet des cassures.

4° À la surface même du causse Noir, sur des points où les bancs stratifiés de calcaires gris ne recouvrent plus la zone des dolomies, les cirques de Montpellier-le-Vieux, du Rajol, de Roquesaltes, de Madasse, etc., renferment des centaines