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au-dessus de réservoirs que l’on savait exister dans les flancs de la montagne. » (L. de Malafosse.)

Pour le docteur Prunières, « l’eau des Causses filtre comme dans un crible pour aller former des réservoirs souterrains, dont on constate quelquefois l’existence par l’ouverture, à la surface des plateaux, d’abîmes d’une profondeur effrayante, de puits naturels appelés avens. Les eaux de ces réservoirs forment des rivières souterraines qui ont leur déversoir dans les vallées du Lot, du Tarn et la Joute. » (Dr Prunières, Distribution des dolmens.)

Les avens seraient dus, d’après H. Lecoq, soit au retrait (par dessiccation) des calcaires, soit au « trébuchement des couches non encore solidifiées et non supportées par-dessous », soit enfin à des explosions ou dégagements de gaz instantanés. (Époques géologiques de l’Auvergne, t. II, p. 234.)

La théorie des explosions n’est pas plus universelle que celle de d’Omalius d’Halloy, qui voyait dans les puits naturels les cheminées d’éjection des argiles et même des roches constitutives des terrains environnants !

M. L. de Malafosse adopte aussi l’hypothèse de l’effondrement au-dessus d’une caverne et d’un grand réservoir d’eau en dessous :

« L’aben mystérieux et légendaire est une spécialité des Causses. La caractéristique de l’aben consiste en ce que l’ouverture qui communique avec les grands abîmes où s’engouffre l’eau est très petite par rapport au vide qu’il y a au-dessous. C’est une sorte d’œil-de-bœuf ouvert sur une immense caverne. L’aben n’a été formé généralement que par la chute d’une partie plus ou moins grande de la voûte de l’un de ces grands réservoirs naturels. L’eau, en s’y engouffrant, les jours d’orage, en a modifié les bords, mais il est presque toujours l’effet d’une cassure…

« Ces abens, se rencontrant, en général, au fond d’une sorte d’entonnoir ou dans une déclivité quelconque de terrain, reçoivent, lorsqu’il fait un orage, une grande quantité d’eau, qui s’engouffre avec un bruit effroyable… Je crois que la moyenne de ces cavernes, au-dessous de l’aben ou orifice, peut être fixée entre 200 et 300 mètres…

« En des cas très rares, un aben ouvert dans la dolomie friable peut avoir pour cause de son ouverture un mouvement giratoire des eaux diluviennes… »

M. de Lapparent observe que cette théorie de l’effondrement est trop absolue :

« Il serait certainement excessif de vouloir attribuer au travail des eaux courantes tous les effondrements en forme d’entonnoirs qu’on, remarque dans les régions calcaires.

« M. de Mojsisovics a fait observer que la plupart des karsttrichter, ou entonnoirs du Karst, présentent une régularité beaucoup trop grande pour avoir été produits par voie d’effondrement. Souvent il en existe deux contigus, séparés seulement par une mince paroi, qui n’eût certainement pas pu résister à un violent effort mécanique. Au contraire, la présence dans ces entonnoirs d’une terre rouge caractéristique permet de les rattacher à tout un ensemble de phénomènes de nature chimique.

« Il se pourrait donc qu’avant d’avoir servi de passage aux eaux souterraines bon nombre de cavités, originairement produites sous forme de fentes pendant les mouvements de l’écorce terrestre, eussent été en grande partie élargies et façonnées par un travail spécial de dissolution. » (De Lapparent, p. 256.)

De son côté, un savant collaborateur de la carte géologique de France, M. Mou-