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les cévennes

« Ces eaux pénètrent les premières couches de la terre, où elles portent le nom d’humidité, se mêlent intimement à elles, en remplissent tous les pores, et paraissent n’avoir aucun mouvement. Cependant toutes celles qui échappent à l’évaporation et à la succion des plantes ne restent pas un instant immobiles. En vertu de leur liquidité et de leur pesanteur, elles descendent continuellement. Leur mouvement est lent, insensible et dirigé par les interstices de la terre qu’elles rencontrent. Les particules d’eau, descendant avec des vitesses inégales, se rencontrent, s’associent les unes aux autres, forment d’abord d’innombrables et imperceptibles veinules, qui s’accroissent peu à peu et deviennent des filets perceptibles. Ces filets d’eau, continuant de s’enfoncer sous terre, en reçoivent d’autres à divers intervalles, rencontrent des couches imperméables qui leur font prendre une direction oblique de moins en moins inclinée, et finissent par former des cours d’eau souterrains, dont le volume augmente à mesure qu’ils s’éloignent du lieu de leur origine.

« En voyant sourdre une source, on ne doit donc pas, ainsi que le font un grand nombre de personnes, se la représenter comme formant sous terre un cours d’eau unique, horizontal et de même volume dans tout son parcours. Toute source est le produit d’une infinité de veinules et de petits filets d’eau que l’on voit se montrer à la surface du terrain. La formation d’une source et sa circulation sous terre sont assez semblables au mouvement de la sève dans la racine rampante d’un arbre » (p. 115).

Nos recherches de 1889 ont pratiquement démontré le bien fondé de cette remarquable théorie. Nous n’avons nulle part rencontré les immenses réservoirs ou sources mères dont l’abbé Paramelle a fait justice dans les termes suivants :

« Cette manière d’expliquer la formation et l’écoulement des sources sous terre est beaucoup plus naturelle, mieux confirmée par toutes les fouilles qui se font journellement, que la supposition de ces lacs, réservoirs, bassins et amas d’eau souterrains que personne n’a jamais vus fonctionner et dont parlent un grand nombre d’auteurs, sans en citer un exemple. Tout en admettant que ce sont les eaux pluviales qui produisent les sources, ces auteurs n’ont pu concevoir la formation et l’écoulement d’une source sans imaginer un réservoir rempli d’eau et placé dans l’intérieur de la montagne pour l’alimenter, ils nous représentent ces réservoirs comme se remplissant au temps des pluies, percés dans leur fond pour laisser sortir peu à peu l’eau qu’ils contiennent, et entretenant chacun sa source jusqu’à ce qu’ils soient à sec. L’abondance et la durée de chaque source est proportionnée à la capacité de son bassin et au diamètre de l’orifice par lequel elle s’échappe. D’autres, en voyant plusieurs sources s’épancher autour de certaines montagnes, se sont imaginé qu’il y a, au cœur de chaque montagne, un réservoir unique qui fournit l’eau à toutes ses sources ; d’autres, sans se demander comment cela peut se faire, croient qu’une grande source, qu’ils appellent la source mère, existe au cœur de chaque montagne, qu’elle se divise et se subdivise en descendant, et fournit l’eau à toutes les sources qui surgissent à son pourtour.

« Tous ces réservoirs et toutes ces sources mères qu’on a supposés au cœur des montagnes pour alimenter les sources doivent donc être relégués parmi les chimères.

« Je ne nie pas, sans doute, que les sources, dans leurs cours souterrains, ne puissent quelquefois traverser des bassins remplis l’eau ; cela arrive principa-