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les eaux souterraines

Dans les premiers terrains (sables), il y a imbibition ; dans les seconds, suintement seulement. Les terrains imbibables possèdent les puits et les puits artésiens : nous ne nous en occuperons pas, car ils n’existent guère dans la région des Causses ; les sols suintables nous intéressent seuls, puisqu’ils émettent les magnifiques sources des vallées du Tarn, de la Jonte, de la Dourbie, de la Vis, de l’Hérault, etc.

Les terrains calcaires, tout disloqués, tout découpés en blocs par divers systèmes de fractures (lithoclases) (V. p. 323), qui constituent des lignes de moindre résistance, se prêtent mieux que tous autres au suintement des eaux pluviales ; leur état fissuré favorise grandement l’hydrognosie, c’est-à-dire la tendance de l’eau de pluie à descendre à travers le sol jusqu’à ce qu’elle soit arrêtée par des couches de terrain imperméables ; de plus, étant tout percés de grottes, ils sont admirablement disposés pour la concentration de grandes masses liquides.

Dans les terrains jurassiques, entrecoupés de couches marneuses et argileuses, il arrive fréquemment qu’une couche imperméable s’interpose au milieu d’une ligne de hauteurs ; alors, l’infiltration étant limitée en profondeur à la couche qu’elle ne peut franchir, il se manifestera à flanc de coteau, tout le long des affleurements de la couche imperméable, des suintements et même de véritables sources (V. p. 127 : Montpellier-le-Vieux.) Ces sources à flanc de coteau, caractéristiques des régions où les terrains argileux alternent avec les sables, les grès et les calcaires, ne sont ni aussi abondantes ni aussi constantes que celles des basses vallées, dont la masse est beaucoup plus considérable.

Une couche imperméable affleurant sur les flancs d’une vallée forme un niveau d’eau, et l’importance de ce niveau est d’autant plus grande que la zone perméable qui la surmonte est elle-même plus étendue.

Les marnes supérieures du lias (toarcien), l’oxfordien, le néocomien, sont les grands niveaux d’eau des formations secondaires ; les marnes du bathonien inférieur donnent quelques minces filets d’eau. Nous allons voir ces principes généraux confirmés dans les avens des Causses.

Un célèbre chercheur de sources, l’abbé Paramelle, a parfaitement décrit le mode de descente de l’eau dans les terrains suintables :

« Les eaux pluviales qui tombent sur des roches à stratification à peu près horizontale et divisées par des fissures verticales en blocs de peu d’étendue, ne peuvent pas humecter l’intérieur de ces blocs ; elles ne peuvent en mouiller que la superficie et les côtés. Comme il n’existe presque pas d’assises qui soient parfaitement de niveau, et que toutes celles d’une même stratification sont d’ordinaire concordantes, les eaux courent sur les blocs, en suivent la déclivité jusqu’à ce qu’elles rencontrent une fissure verticale qui leur permette de descendre sur l’assise inférieure. Chaque fissure verticale de l’assise supérieure tombant ordinairement vers le milieu d’un bloc de l’assise inférieure, les eaux suivent l’inclinaison des nouveaux blocs jusqu’à leur extrémité inférieure, où elles trouvent une nouvelle fissure verticale qui leur permet de descendre sur l’assise inférieure, et ainsi de suite, d’assise en assise, jusqu’à la couche imperméable qui supporte toute la masse stratifiée. » (L’Art de découvrir les sources, p. 112. Paris, in-8o, 1856.)

Comment se réunissent en courants notables, en sources, les gouttes d’eau ainsi enfuies à travers les fissures des roches ? C’est encore l’abbé Paramelle qui nous l’explique le plus clairement :