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géologie des causses et des cévennes

rocheuses ; « ils forment à eux seuls toutes les gorges profondes et escarpées de la chaîne des Cévennes… Les versants, couverts d’éboulis schisteux et micacés, tantôt réfléchissant vivement les rayons du soleil, tantôt plongés dans l’ombre des hautes cimes, ne s’accusent que par la belle verdure des châtaigniers. De quelques sommets élevés (le Pompidou, Barre-des-Cévennes, Saint-Maurice-de-Ventalon, etc.), ces effets de lumière, se succédant sur une suite de crêtes aiguës et déchirées, rappellent, sous certains rapports et sauf la différence des masses, certains aspects des Pyrénées et des Alpes. » (Fabre, Id.)

Quelques auteurs ont appliqué à ces terrains le nom spécial de « schistes luisants des Cévennes ». Cordier en a fait son étage des talcites phylladiformes, « premier produit du refroidissement et de la consolidation de l’écorce terrestre ». Il est certain, en effet, que leur origine n’est nullement sédimentaire[1].

Terrain granitique. — Margeride, Lozère, Aigoual, monts du Vigan. — Dans la partie septentrionale de ce terrain primitif, « tout l’ensemble de la formation gneissique est brusquement arrêté vers l’ouest par le grand épanchement de granite porphyroïde qui constitue la chaîne de montagnes de la Margeride et Les hauts plateaux du Gévaudan… La postériorité du granite aux gneiss et aux micaschistes est évidente. Ainsi, des lambeaux assez importants de micaschistes ont été empâtés dans ce grand épanchement granitique, et forment des sortes d’îlots qui ont jusqu’à 400 mètres de long et qui se trouvent comme perdus dans la région granitique, à plusieurs kilomètres du massif schisteux auquel ils ont été arrachés… On peut conclure que la région gneissique de Mercoire et du Tanargue est exclusivement constituée par des roches azoïques cristallisées, antérieures à l’épanchement du granite porphyroïde de la Margeride[2]. »

Ajoutons que, par la découverte de lambeaux d’arkose infra-liasique sur les granités du plateau du Palais du Roi, à l’altitude de 1,350 mètres, M. Fabre encore a démontré que le soulèvement à son altitude actuelle du massif de la Margeride est dû à une faille postérieure à la mer jurassique, et que cette mer a recouvert les hauts plateaux du Palais du Roi[3].

Quant à la partie méridionale, les schistes primitifs des Cévennes ont « été en plusieurs points fortement disloqués par l’apparition du granite porphyroïde éruptif ». Les trois principaux massifs formés par cette roche injectée sont ceux du mont Lozère, du mont Aigoual et des monts du Vigan.

Comme dans la Margeride, le soulèvement de la Lozère a empâté, isolé ou relevé très haut des lambeaux du schiste préexistant (Tête de Bœuf [1,621 m.], Bois des Armes [1,576 m.], etc.). La vallée de Costeilades ne montre que refoulements, plissements et contournements qui prouvent la violence des efforts dynamiques réalisés par le granité quand il a percé les schistes en les brisant : la trace du soulèvement se retrouve aussi au nord et à l’ouest du massif, où « les schistes recouvrent la masse granitique en s’imbriquant régulièrement autour d’elle, comme les tuiles d’un toit, disposition aperçue pour la première fois en 1826 par M. Junius Castelnau ». (G. Fabre.)

C’est par une grande rupture est-ouest, parallèle à la chaîne du Bougès, que la Lozère a été portée au jour : le voussoir schisteux de l’écorce terrestre,

  1. V. Hébert, Schistes des Cévennes, Bull, de la Soc. géologique, 2° série, t. XVI, p. 906.
  2. G. Fabre, Bull. de la Soc. géologique, 3e série, t. V, p. 401, 19 mars 1877. — Id., Ibid., 3e série, t. Ier, p. 306. — Id., Ibid., 3e série, t. III, p. 432.
  3. Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, du 19 mars 1877.