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ombragée de grands arbres, assez rapprochés pour donner de l’ombre, assez espacés pour ne pas gêner le regard. C’est là, sans doute, que les fées décrivent leurs rondes ! lorsque la lune est dans son plein ; il me plairait fort d’y entendre l’Obéron de Weber, « Puis, nous allons visiter le château des Trois-Seigneurs où sont encore quelques ruines informes, qui se confondent avec le rocher. Çà et là, de petites plantations de mûriers, au gai feuillage, entourées ici d’un cercle de rochers, là d’une futaie de chênes, animent cette solitude. Mais nous n’avons encore parcouru que le district le moins inconnu. » (A. Lequeutre.)

« Le plus remarquable à bien des points de vue est le quartier appelé le Cros de la Perdrix (creux de la Perdrix), où sont entassés comme à plaisir les accidents de terrain les plus marqués et les formes de rochers les plus bizarres.

« On accède dans cette sorte de cirque fortifié et aux abords très abrupts par un magnifique rocher percé naturellement en forme de porte ou d’arceau, placé à l’entrée d’une gorge ou ravin, qui rappelle celui de la Gleyzasse (V. ci-après), mais offre un coup d’œil différent et d’un caractère chaotique plus accentué et plus original encore. » (P. d’Albigny.)

Au nord-ouest du Bois, la chapelle Saint-Eugène est comme suspendue, sur le rebord d’une terrasse de calcaire, au-dessus de la vallée du Chassezac, qui limite tout l’ensemble vers le nord-est. Le site est on ne peut plus pittoresque, car la gorge où serpente la rivière n’a pas moins de 100 mètres de profondeur. L’ermitage lui-même, qui ne remonte qu’au xviie siècle, ne présente rien d’intéressant comme architecture ; mais de là la vue est magnifique sur les falaises jurassiques perpendiculaires qui encaissent le Chassezac.

« En face de nous est le promontoire de Cornillon, où sont épars les débris d’un antique village. À nos pieds, et comme au fond d’un abîme, la source de l’Endieu, tandis que sur l’autre rive se développe la muraille de Casteljau, aux longues assises horizontales ; traversant ensuite un coin du bois, au milieu des rochers, des arbustes, des bouquets d’arbres clairsemés, nous arrivons sur le talus du Chassezac, et nous descendons vers les oseraies qui bordent la rivière. Sur la rive gauche, dans une haute paroi, s’ouvre la caverne des Barres, l’une des cent cinquante grottes du Vivarais, explorée par J. de Malbos, qui, le premier, je crois, signala les foyers et les débris d’industrie de nos ancêtres préhistoriques des abris du Chassezac et de l’Ardèche.

« Sur la rive droite se montre l’étroit ravin de la Gleizasse, fissure entrouverte dans une paroi d’apparence inaccessible. Une corniche large d’environ 1 mètre, qui se dessine le long de la muraille, est le seul chemin qui conduise des rives du Chassezac au ravin. La corniche atteint bientôt une trentaine de mètres au-dessus au lit de la rivière, et s’y maintient. Au-dessus, au-dessous, la falaise est perpendiculaire, mais la roche est solide, et, sauf l’ennui de quelques ronces folles qui vous accrochent au passage, cette voie est des plus faciles à parcourir ; pourtant, au tournant d’une cannelure de la roche, la corniche n’a plus que quelques centimètres de largeur ; il faut faire face au rocher et passer lentement.

« Au-delà de ce petit mauvais pas, la route redevient large et facile, et on peut à son aise admirer les belles murailles de Casteljau et de l’Endieu, et la solitude, animée du soleil, que traverse la rivière.

« L’étroite fissure de la Gleizasse (la grande église, en patois) ouverte dans la muraille est large à peine de 1 mètre. Là, entre deux immenses piliers, est un