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les cévennes

écartés de 2 et demi à 5 kilomètres ; même, à la ferme Prat-Ciaux, une prairie marécageuse suinte à la fois vers les deux rivières.

Parallèles, et non perpendiculaires, aux thalwegs supérieurs du Lot et du Tarn, sont les trois grandes crêtes du Goulet, de la Lozère et du Bougès (1,424 m.) ; celle du milieu, la plus haute (1,702 m.) et la plus longue, contemplant les deux autres à sa droite et à sa gauche comme gardes du corps, fièrement dressée entre les deux plus grands affluents de la Garonne, nés à ses pieds, et semblant vouloir empêcher leur union par la projection vers l’ouest de l’immense table de Sauveterre : les trois montagnes séparées, en somme, plutôt que liées par des cols bas, où d’excellentes routes ne s’aperçoivent guère qu’elles franchissent la « grande ligne de partage des eaux d’Europe ».

De la montagne du Bougès à l’Aigoual se ramifient tortueusement les vraies Cévennes ; elles n’atteignent nulle part 1,200 mètres d’altitude et s’abaissent souvent à moins de 1,000 mètres, au-dessous par conséquent du causse Méjean, dont le rempart (1,278 m.) les commande à gauche du Tarnon. C’est leur nom tout local qui a été donné à la longue suite de massifs juxtaposés du col de Naurouze au canal du Centre, de Castelnaudary à Chalon-sur-Saône. Dans ces Cévennes, qui n’ont de remarquable que l’abusive extension de leur nom, on peut parler de ligne de faîte, car une crête unique, longue de 28 kilomètres à vol d’oiseau et de 50 kilomètres sur le sol, flanquée de contreforts et contournée en une dizaine de directions, s’interpose franchement entre tous les Gardons d’une part, le Tarnon et la Mimente d’autre part. Plusieurs routes la couronnent, suspendues réellement sur deux versants opposés.

Autour de l’Aigoual (1,567 m.) grosse masse rayonnante, s’étoilent les hauts ravins du Tarnon, de la Jonte, du Trévesel (Dourbie) et de l’Hérault. Deux de ces rayons sont les isthmes étroits du Perjuret et de la Croix-de-Fer, vraies passerelles qui seules relient, de part et d’autre du cañon de la Jonte, les deux citadelles du Méjean et du Noir à l’Aigoual. Puis, au-delà du col de la Séreyrède (1,320 ou 1,290 m,), vient un plateau de sources océaniques, l’Espérou (1,380 m.) et la montagne d’Aulas (1,422 m.), drainé par la Dourbie et coupé à pic sur l’Hérault, d’où la route de Valleraugue se livre à une véritable escalade en lacets. Ensuite quelques kilomètres de crêtes régulièrement perpendiculaires aux ravins : montagne du Lingas (1,440 m.) et Saint-Guiral (1,365 m.). Enfin, évanouissement de tout faîte en travers du Larzac. C’est au point où les mauvaises cartes font franchir ce plateau par la fameuse « ligne de partage » que le Larzac central est le plus déprimé (750 à 800 m.).

Le Larzac calcaire a même débordé au-delà de Lodève et du Vigan par la montagne de la Séranne (943 m.), près Ganges, qui forme son bourrelet sud-oriental. Les strates jurassiques s’étendent jusqu’aux portes de Montpellier, où les dépôts tertiaires plus jeunes les recouvrent.

Puisque le Larzac est un causse, il n’a point d’eaux courantes ; seules les sources de son pourtour optent, selon leur situation, pour l’Atlantique ou la Méditerranée, et c’est sous terre, dans leurs réservoirs internes, qu’il faudrait tracer la ligne de partage des géographies systématiques.

Vers le milieu du flanc sud-ouest du Larzac, un éperon rocheux, le bois Guilhomard (854 m.) fait abrupt sur le col de Montpaon (675 m.), entre l’Orb et la Sorgues, sous lequel un tunnel conduit le chemin de fer de Millau à Béziers.