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les cévennes

Gabales retrouvèrent les restes de leur pasteur et l’inhumèrent pieusement dans son ermitage. L’affluence des pèlerins ne tarda pas à provoquer le transfert de l’évêché de Javols à Mende, et longtemps on montra sur les rochers la trace laissée par les pas de saint Privat quand il allait, pour son peuple, prier Dieu sur la montagne.

Pour former, en 1790, le département de la Lozère, on a distrait du Gévaudan le territoire du canton de Saugues (réuni à la Haute-Loire), et on y a ajouté au sud et à l’est quelques paroisses des anciens diocèses d’Alais et Uzès (Meyrueis, les Cévennes, Villefort, etc.)

Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1579, le fameux Mathieu Merle, à la tête de cinq cents partisans, prit Mende, tant par escalade que par la trahison du troisième consul Bonnicel, au moment où les bourdons appelaient les fidèles à la messe de minuit, de sorte qu’on n’entendit pas le bruit de son entrée ; il égorgea la garnison, saccagea la cathédrale, fondit sa fameuse cloche la Non-Pareille, une des plus belles de la chrétienté, en fit les canons qui, quelques mois plus tard, réduisirent Ispagna et Quézac (V. p. 25), et n’en laissa que le ballant, qui, subsistant encore, mesure 2m,35 de hauteur sur 1m,10 de circonférence.

Mille cruautés furent commises par le vainqueur : deux cents habitants périrent massacrés ; l’abbé Jean Chaptal, avant de recevoir le coup mortel, dut de ses propres mains creuser sa fosse ; la servante du chanoine Brès fut suspendue dans une cheminée, et on alluma le feu sous ses pieds ; on enterra vivant un sieur Guillaume Destrichis, mais avec de la terre jusqu’au cou seulement, la tête passant… et autres horreurs. La mine acheva de détruire la cathédrale, sauf les clochers, qui furent sauvés, parce que leur chute eût démoli le palais épiscopal, où logeait Merle ! Le brigand, devenu baron de Lagorce et Salavas, ne quitta la ville que le 11 juillet 1581.(V. André, Annuaire de la Lozère pour 1866, p. 133[1].)

Aux terribles méfaits devenus légendaires d’une simple louve, et non d’un lynx ou d’une hyène, comme le disent certains ouvrages, le pays des évêques de Mende doit toute la célébrité de son nom. C’est, et la voici, l’histoire de la bête du Gévaudan.

En juin 1764, de la forêt de Mercoire, vers les sources du Lot, de l’Allier, du Chassezac, sortit un jour une louve monstrueuse, dont les féroces ravages répandirent brusquement une frayeur folle dans toute la contrée.

La bête redoutable ayant dévoré plusieurs enfants et blessé un grand nombre de personnes, l’imagination populaire ne tarda pas à lui prêter des formes fantastiques : dragon cornu gros comme un cheval, ours à tête de loup, hérisson géant à queue de serpent, animal sorcier enfin, sur l’écaille duquel les balles s’aplatissaient comme des liards.

Au mois de juillet suivant, douze cents paysans des environs de Langogne, armés de faux, fourches et fusils, et précédés de cinquante dragons, entreprenaient une battue générale.

Débusquée, la bête du Gévaudan commença par mettre un homme hors de combat ; croyant avoir affaire au diable même, la petite armée la laissa maîtresse du champ de bataille, puis l’évêque de Mende ordonna des prières publiques.

Elles ne conjurèrent point le fléau : la bête étendit ses incursions jusque dans le Rouergue.

  1. Notice sur Merle ; Prise de la ville de Mende et autres villes, depuis 1462 jusqu’en 1580. Florac, impr George, br., in-8o.