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ont sans doute effacés sur les roches extérieures ? Un examen superficiel ne suffit pas pour convaincre de l’existence d’un ancien glacier de Bellecoste. Une étude attentive serait nécessaire pour résoudre cette question. On notera que ce champ de glace encore hypothétique semble s’être arrêté vers l’altitude de 1,100 mètres, supérieure à celle de 900 mètres, où M. Martins limite le glacier de Pallières. Cette différence s’expliquerait par l’exposition de Bellecoste en plein midi, sur le versant sud, où la fusion solaire était plus rapide. Qu’il y ait ou non des ruines de glaciers aux sources du Tarn, dans tous les cas le dernier mot n’est certainement pas dit sur ces restes de l’époque frigorifique dans la Lozère : il y a là un champ d’études à peine exploré et qui promet d’être fertile en découvertes. Les blocs isolés, les dépôts de sable, les formes doucement ondulées des croupes, le moutonnement général des crêtes, font présumer à première vue qu’un couvercle gelé a dû revêtir et arrondir jadis la presque totalité du massif. Le frottement de cette carapace a commencé par émousser, raboter la montagne ; puis la fusion a laissé derrière elle, à l’état de sciure de roches, des argiles feldspathiques où l’herbe des pâturages a pu puiser une alimentation suffisante et former quelques couches d’humus ; sans ces deux couvertures successivement protectrices, de glace d’abord, de sol végétal ensuite, les agents atmosphériques eussent vite déchiqueté, dans toute la Lozère[1], les granits à gros grains, si aisément décomposables. C’est ce qu’ils ont fait d'ailleurs au cirque de Palhères, dont les parois étaient trop escarpées pour retenir accroché un manteau de névés ou d’argiles feldspathiques fertiles. À ce propos, remarquons que cette même raideur des pentes a produit là un résultat d’ordre tout différent : elle a empêché les neiges de s’accumuler sur une assez forte épaisseur pour former un glacier de premier ordre ; ceci explique pourquoi M. Martins a eu raison de reconnaître comme secondaire l’ancien courant glacé de Palhères. Avant de croire sans réserve à la grande extension des phénomènes glaciaires sur le mont Lozère, il faudrait de sérieux travaux d’ensemble pour établir d’une façon précise dans quelles circonstances et dans quelles conditions ces phénomènes se sont manifestés et développés.




CHAPITRE XVIII

le gévaudan.


Mende. — Les Gabales. — La légende de Saint-Privat. — La bête du Gévaudan. — Le tombeau romain de Lanuéjols. — Vallée du Lot. — Village préhistorique de Chastel-Nouvel. — Le grand Central français. — Le Palais du Roi. — Châteauneuf-de-Randon.


À Mende, en Gévaudan[2], nous arrivons par le sud ou l’est, soit de Florac et du col de Montmirat, soit du pic de Finiels et du Bleymard.

  1. F. M. Maisonneuve, Notice sur la montagne de la Lozère : Mém. de la Soc. d’agriculture de Mende, t. III, 1829, p. 106, et Journal des mines, no 113, p. 401.
  2. V. Extrait des archives de l’évêché de Mende, comté et pays de Gévaudan, contenant : la Charte ou Bulle d’Or de 1161 ; l’Échange de 1266, entre saint Louis et l’évêque de Mende, Odilon de Mercœur et le Paréage