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ramifiées de l’Aigoual au mont Lozère. Après avoir baigné Vébron et, Florac et absorbé à droite la Mimente, il abdique en faveur du Tarn, qui n’est cependant, au seuil même du grand cañon, que la suite de son affluent, en direction tout au moins. Sautant sur le revers méditerranéen, nous voyons les pentes orientales du mont Lozère distiller autour de Villefort quelques torrents de montagnes (Altier, etc.) au profit du bassin de l’Ardèche. La Cèze aussi en sort pour courir au Rhône après avoir bu le torrent de Luech, aux bords duquel Vialas exploite ses célèbres mines de plomb ; vers le sud-est, le Gard s’adjuge tous les Gardons des Cévennes qui viennent de Saint-Germain-de-Calberte, Barre-des-Cévennes, Saint-André-de-Valborgne et Saint-Jean-du-Gard.

L’Aigoual adresse plus franchement l’Hérault (Airau, Arauris) à la mer, droit au sud, par Valleraugue, et ce fleuve doit presque toutes ses eaux à ses deux tributaires de l’ouest. L’un, l’Arre, est la rivière du Vigan ; l’autre, la Vis, tronçonne en petits causses secondaires l’immense Larzac, et n’a point de bourgs notables dans son étroit cañon gris, privé de flamboyantes dolomies, splendide quand même, à cause du brillant soleil du Midi, déjà souverain en cet angle des Causses.

À Ganges seulement l’Hérault est définitif ; puis une gorge solitaire, presque sans maisons et sans route, se prolonge pendant 10 lieues jusqu’à Saint-Guilhem-le-Désert. Plus bas, Aniane confine à la Méditerranée et à Montpellier.

Le Larzac enfin donne à l’Hérault la Lergue (ou l’Ergue) de Lodève, et à Béziers son Orb modeste, mais fleuve pourtant.

Telles sont les principales artères par où s’opère la circulation des eaux de notre région.

Entre les océaniques et les méditerranéennes, les montagnes, pour la plupart schisteuses et granitiques, forment ce que l’on est convenu d’appeler en géographie la ligne de faîte. Nulle part cette dénomination ne se montre plus fautive qu’ici, car il est impossible, même sur la carte, d’établir l’existence continue d’une chaîne, d’une muraille séparative, uniforme d’aspect et de direction.

Et d’abord, c’est un plateau sans pics, long de 4 lieues, large de 2, dit le Palais du Roi, et le causse de Montbel, marécageux, froid, troué de gouffres nombreux, qui forme au nord-est de Mende l’un des principaux « toits » de France (1,198 à 1,440 m.)[1].

C’est l’agrafe qui attache ensemble : 1o le plateau central et l’Aubrac (par la Margeride) au nord-ouest ; 2o les longues chaînes d’entre Rhône et Loire-Allier (par la forêt de Mercoire) au nord-est ; 3o les Cévennes proprement dites (par la Lozère) au sud. De deux bastions qui le flanquent à l’est, le Maure-de-la-Gardille (1,501 m., forêt de Mercoire) et la montagne du Goulet (1,499 m.), distants de 6 kilomètres et demi, descendent les premiers rameaux du Lot, de l’Allier et du Chassezac (tributaire de l’Ardèche). Le causse de Montbel est donc bien le toit à trois faces dont les gouttières se déversent dans trois des grands bassins de France, Garonne, Loire, Rhône.

Le Maure-de-la-Gardille s’abaisse vers l’est jusqu’au col de la Bastide (1,077 m.), sous lequel le chemin de fer de Clermont à Nîmes passe à 1,046,30 m. d’altitude, dans un tunnel de 893 mètres de longueur et qui sépare les Cévennes des montagnes de Valgorge, du Tanargue et du Vivarais : là est une croupe de 1,110 à 1,128 mètres d’altitude, maintenant l’Allier et le Chassezac

  1. Le département même de la Lozère est le vrai « toit » des Cévennes, car il ne reçoit de cours d’eau d’aucun autre département. Les eaux en divergent dans tous les sens.