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L'AIGOUAL

De l’autre côté, au nord, à 500 mètres de profondeur, les immenses forêts de Servillière et de Roquedols, qui font un abîme de verdure sombre ; la coquette petite ville de Meyrueis, les belles prairies de la Jonte et le portail de son cañon, les croupes gazonnées de l’Aigoual ; puis, au second plan, le grand désert du causse Méjean, avec le mont Lozère dressé à l’horizon. C’est vraiment vaste !

Au col du Parc aux Loups (1,003 m.), elle rejoint la nouvelle route et en même temps celle de Lanuéjols et Trèves, puis elle s’enfonce au nord dans les balsamiques et géantes sapinières admirées d’en haut.

La nouvelle route, plus longue (19 kil.), passe sur le revers nord de Bramabiau et du Trévesel, au sud et à 100 mètres au-dessous de la première, fait un grand détour au sud-ouest près de Montjardin, dans la direction de Lanuéjols, et, après le col du Parc aux Loups, décrit de plus grands lacets que sa voisine dans les forêts de Roquedols.

De Valleraugue, de Camprieu, de Meyrueis, au choix, on peut facilement gravir l’Aigoual, roi des Cévennes (1,567 m.), si curieux pour le géologue, avec ses juxtapositions de terrains divers, schistes cambriens primaires, micaschistes, chloritoschistes, granits à gros grains, filons de quartz, calcaires jurassiques, grès et marnes du lias, etc.

« L’Aigoual lève sa roche suprême (1,567 m.) au-dessus du cirque de l’Hort-Dieu, c’est-à-dire jardin de Dieu, jardin céleste. Si, comme on croit, son nom est le latin aqualis, l’aqueux, on l’a traité suivant ses mérites, car il se dresse au milieu d’une lutte de vents humides ; ils soufflent en tout jour, presque à toute heure, et si furieux, que les forestiers qui veillent sur ses bois, jadis hantés par l’ours, aujourd’hui par le loup, avaient ancré leur première cabane au rocher par six chaînes de fer.

« Les pluies y tombent aussi dru, plus dru peut-être que nulle part en France : l’observatoire qu’on y bâtit racontera donc mieux qu’aucun autre les batailles « célestes » de l’année entre les ouragans arrivés des quatre coins de l’espace. De ce promontoire, campé sur la borne des grands Causses, au-dessus des plaines enflammées qui vont jusqu’à la frange de la mer, on voit ou l’on soupçonne (suivant le temps) la Méditerranée, les Pyrénées du Canigou, le Pelvoux de Vallouise, bastion des Alpes, le Ventoux, la Lozère, des collines, des vallons, des « campos », des plateaux, tout un monde.

« Déjà la lumière méridionale donne beauté pure et grandeur sereine à des roches nues, qui sans elle seraient ternes, peut-être laides. Sur le versant contraire, aux altitudes égales ou supérieures à 1,000 mètres, le long d’affluents et sous-affluents du Tarn qui s’écartent comme les doigts d’une main grande ouverte, on se croirait aussi loin du petit fleuve qui court à la Méditerranée qu’un vallon des Vosges l’est d’un cirque de l’Atlas ; un climat hyperboréen y règne pendant les longues neiges hivernales qui courbent la branche du hêtre ou du châtaignier et blanchissent les aiguilles du pin sylvestre ; mais en été, en automne, au printemps, ces torrents sont gais, ces forêts ombreuses, ces prairies émaillées de fleurs. » (O. Reclus.)

Le général Perrier et le savant M. G. Fabre, inspecteur des forêts à Nîmes, ont fondé l’observatoire de l’Aigoual, projeté par M. Viguier dès 1878, dont les constructions ne sont pas encore achevées, mais qui fonctionne provisoirement dans des baraquements en planches, en attendant l’inauguration définitive, en 1893. L’emplacement en est peut-être encore plus favorable aux observa-