Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
les cévennes

livre tout entière à une large et magnifique chute de 15 mètres de hauteur. (V. la gravure.) De part et d’autre de la cascade, le village et ses moulins se sont bâtis à l’ombre, et peut-être la main humaine n’est-elle pas restée étrangère à l’établissement de cette coupure ; dans la boucle asséchée, dans l’ancien lit abandonné, il y a quelques céréales et vergers, maigre richesse du hameau.

C’est du bord du causse de Blandas, et notamment du point 642, que l’on admire dans toute sa beauté ce site, qui deviendra célèbre un jour, quand une route aisée de voitures aura été tracée, en haut ou en bas, de Madières à Novacelle, et évitera la lenteur et la fatigue pédestres du cheminement de la Vis ou de l’ascension du plateau ardu. Car entre les deux villages il reste, au choix, 15 kilomètres et dix-neuf méandres de rivière à longer, ou bien 300 mètres de causse à gravir puis à descendre, avec 3 kilomètres à franchir d’un escarpement à l’autre. Quoique un peu lassante, la course du cañon de la Vis est superbe à faire, même après celles des gorges lozériennes.

Madières est à 225 mètres d’altitude ; le Larzac, au sud, a 573, 564 et 568 mètres ; le causse de Montdardier, 563. et 672. Sur le pont du village passe la grande route de Lodève au Vigan (p. 199), qui d’un plateau à l’autre s’abaisse, entre les fourrés de buis, de 339 mètres, jusqu’à la Vis, pour remonter d’à peu près autant dans la direction septentrionale de Rogues et Montdardier (pierres lithographiques). Des deux parts, ses lacets offrent de beaux points de vue. Si les itinéraires dans la région des Causses comportaient le parcours de Lodève au Vigan, ce serait un véritable charme que cette traversée du val de Vis.

À Madières, le cañon cesse, le vallon s’évase, les mûriers et les vignes font leur apparition, et la rivière tourne au nord-ouest, direction qu’elle conserve jusqu’à son confluent avec l’Hérault (150 m. environ d’alt. et 17 kil. de distance) ; à gauche (nord-ouest), elle est dominée par les pittoresques crêtes calcaires des rochers de la Tude (896 m.) et d’Anjau (865 m.), points culminants du quadrilatère montagneux qui sépare l’Hérault, l’Arre, la Vis (Ganges, le Vigan, Madières), tout percé de grottes et abris préhistoriques, tout semé de verdoyantes villas, de cabanons où, de Montpellier même, les citadins du Midi viennent chercher en été l’ombre et la fraîcheur. — À droite (sud-est) se profile en l’air la sierra de la Séranne, attachée au Larzac sous le méridien même de Madières (V. p. 197), haute de 782 mètres à Peyre-Martine et de 943 mètres au Roc Blanc.

Sur son flanc sud-est coule, parallèlement à la Vis, le ruisseau de Buèges, tributaire de l’Hérault, qui lui-même baigne les pentes nord-orientales de la Séranne, mais descend dans un sens absolument opposé à celui de ses affluents, que la montagne sépare.

« Si les auberges y étaient mieux pourvues et si les villages présentaient plus de ressources, Madières serait un excellent centre d’excursions. Une route de voitures le relie à Ganges et suit fidèlement le thalweg, sur l’une ou l’autre rive alternativement. Les belles eaux vertes de la Vis, qui coule à pleins bords malgré la sécheresse, les bouquets d’arbres qui la bordent, les grandes murailles des rochers de la Tude et d’Anjau, font de ce tranquille vallon un des plus beaux et des plus charmants paysages que l’on puisse imaginer. De distance en distance, on aperçoit sur la rive droite la crête blanche de la Séranne. Ce n’est pas grand comme les gorges du Tarn, mais c’est une de ces délicieuses promenades que l’on voudrait pouvoir faire souvent et pendant lesquelles on flânerait tout à loisir. » (A. Lequeutre.)