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les cévennes

tant sur le Larzac ou sur les massifs qui l’entourent, Aigoual, Espinouze, Lévezou, et c’est une bise glacée, ou, comme disent les Larzacois, une aure noire, une « rouderge » qui siffle et souffle sur le plateau, notamment en hiver.

« Tant de vents, tant de pluies ; tant de pluies, tant de sources ! Aucun ruisseau libre ne mène aux rivières de pourtour les averses tombées sur la table de pierre ; l’eau s’enfuit sous la roche, la goutte par la fissure invisible, le torrent par la bouche d’avenc, entraînant dans l’abîme la terre rouge et le cailloutage dont il se charge en râpant son bassin…

« Tous ces ruisseaux de l’ombre deviennent des fontaines-rivières, les plus belles qui sortent de la racine de nos Causses, les unes en retentissante cascade, les autres silencieusement, d’un puits, par une poussée d’en bas. Tels jaillissent à l’ensellement du Larzac la foux de la Vis, vraie mère de l’Hérault ; la foux de la Sorgues, vraie mère du Dourdou méridional ; la foux du Durzon, meilleure branche estivale de la Dourbie ; et, parmi les foux moindres, la source de l’Escalette, qui descend en cascade à la Lergue ; les fontaines de Gourgas, issues d’une « fin du monde » en un superbe cirque, et qui vont à cette même rivière de Lodève ; les charmantes cascatelles de Creyssels, près de Millau ; les sources du Cernon, affluent du Tarn, etc. Ainsi, pas une goutte d’eau sur le causse, et le caussenard envie les « gens de rivière » ; quand l’été sèche mare et citerne, il va chercher l’eau pure aux fontaines d’en bas ; c’est un voyage qui lui prend toute la grande journée.

« Le gazon, sec, aromatique, entretient ici des moutons à laine frisée, race qu’on appelle brebis du Larzac, bien qu’elle paisse également sur les autres déserts calcaires de ce coin du monde. » (O. Reclus.)

« Du Languedoc méditerranéen montent ces troupeaux transhumants, alors que, pendant l’été, saison longue dans le Midi, sous l’action persistante des fortes chaleurs, si redoutables pour ces animaux, toute végétation cesse…

« Le départ est toujours calculé de manière à ce que le troupeau ne soit jamais en route le 8 juin, jour de la Saint-Médard, si redouté pour les orages qui éclatent ordinairement à cette époque, et auxquels une marche continue de nuit et de jour l’exposerait sans défense, le privant même du peu de nourriture qu’il est réduit à chercher sur les bords de la route. L’absence dure jusqu’à la veille de la Toussaint, jour fixé pour la rentrée au bercail[1]. »

Le Larzac est le plus bas des causses (700 à 900 m. en moyenne), puisqu’il se creuse jusqu’à 559 mètres au sud-est, près de Saint-Maurice-la-Clastre, et culmine à 912 mètres seulement au nord-ouest (signal de Cougouille), près de Sainte-Eulalie ; le plus connu, tant pour ses restes des temps anciens (dolmens, chaussées romaines, commanderies de Templiers[2]) que grâce à son réseau de routes.

De nombreuses voies, en effet, le sillonnent :

Une longitudinale d’abord, de Millau à Lodève, par la Cavalerie, l’Hospitalet, la Pezade, le Caylar ; et plusieurs transversales, coupant la première en divers points du plateau : de Saint-Affrique au Vigan, par Saint-Rome-de-Cernon, la

  1. J. Pouchet, Excursion au pic Saint-Loup (Soc. languedoc. de géogr., déc. 1880).
  2. Michel Virenque, Des Monuments celtiques et des légendes populaires du canton de Cornus : Mém. de la Soc. des sciences, lettres et arts de l’Aveyron, t. X, 1868-1873, p. 34 et 52. — Ad. Boisse, Antiquités celtiques et gallo-romaines signalées dans l’Aveyron : même recueil, p. 234-336. — Le baron de Gaujal, Mémoire sur les antiquités du Larzac : Mém. de l’Institut, 1837.