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replis de la Vis et de son affluent la Virenque. Une rapide descente nous mène à Alzon (635 m. ; 1,746 hab. la comm., 737 aggl.), colonie agricole de jeunes détenus, au bord des cailloux sans eau de la Vis. Les croupes montagneuses, vêtues de noyers et de châtaigniers, manquent de cachet après les bizarreries des Causses. Au sortir d’Alzon, un tunnel de 360 mètres de longueur, percé à 643 mètres d’altitude, épargne à la route une montée de 100 mètres par-dessus un troisième seuil qui attache encore au Saint-Guiral un dernier causse, celui de Blandas et Montdardier, circonscrit par la Vis et l’Arre et ayant pour point culminant le roc de la Tour d’Arre (950 m.). (V. chap. XIV.)

La vallée de l’Arre, charmant torrent de 25 kilomètres de cours, est lumineuse et fraîche.

À son origine, les travaux du chemin de fer d’Albi ont donné passage à une cascade haute d’environ 50 mètres. C’est un vrai plaisir d’entendre ce bruissement d’eau au milieu de ce paysage de soleil. Au dire des ouvriers, l’entrepreneur ne partagerait que médiocrement l’admiration des touristes.

Du tunnel jusqu’à Arre (337 m. ; 589 hab. la comm, 547 aggl.), la route s’abaisse de 300 mètres sur 9 kilomètres de développement, laissant à gauche Arrigas et Aumessas. Après Arre vient Avèze, où se trouve, sur le ruisseau de Vézenobres, le curieux pont dit Pont de Mousse. En une heure, le climat a complètement changé : pommiers, pêchers, mûriers, oliviers, annoncent l’approche de la Méditerranée. Les monts sont gais, cultivés en terrasses, diaprés de fleurs, argentés de ruisseaux, parés de verdure.

C’est le bassin du Vigan (5,353 hab. la comm., 4,274 aggl.), aux lignes simples et harmonieuses, centre de charmantes excursions et lier de sa belle promenade de vieux châtaigniers.

Mais ce n’est plus le causse inconnu : la station du chemin de fer nous rappelle que par Ganges et Nîmes nous rentrerions dans la civilisation ! Or notre voyage n’est pas fini. Par-dessus le roc Saint-Guiral, au panorama célèbre, rétrogradons donc, s’il vous plaît, jusqu’à Saint-Jean-du-Bruel, où nous avons négligé, à main gauche, le joli bassin du Trévesel.

De Saint-Jean-du-Bruel à Trèves, la route du Vigan à Meyrueis (qui détache à l’est une branche vers Dourbies et l’Espérou) s’élève à 850 mètres environ, entre la chaîne du Suquet et le causse Bégon. Et c’est par là qu’il convient le mieux d’aborder Trèves (553 m.), car, à la descente sur ce chef-lieu de canton, on embrasse d’un regard tout le cañon, admirable quoique peu étendu, où le Trévesel s’encaisse au nord. Le défilé n’a pas 400 mètres de profondeur ; mais il y a sur ses deux bords jusqu’à trois étages de falaises dolomitiques superposées et séparées par des talus ; nulle part, même dans la vallée de la Jonte, les Causses n’ont des roches aussi écarlates. À midi, quand le soleil tombe droit dans la fente, c’est étincelant. L’effet est complètement nul si l’on arrive à Trèves de Meyrueis, par Lanuéjols.

Trèves (Tres-Viæ, Trois-Routes), chef-lieu de canton du Gard (513 hab. la comm., 298 aggl.), est une des identifications de la Trévidou[1] des Romains et de Sidoine Apollinaire.

  1. Sur Trévidou, maison de campagne de Tonance Ferréol, préfet des Gaules au cinquième siècle, par M. Broussous, secrétaire général de la préfecture de la Lozère : Journal de la Lozère, 10 mai 1806, p. 226. — Des Ours de Mandajors, Recherches sur la situation de Trévidou et de Prusianum, etc. (Hist. de l’Acad. des inscriptions et belles-lettres, t. III, 259-262). On a placé aussi Trévidou à Saint-Laurent-de-Trèves. (V. p. 240.).