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les cévennes

apprit le latin ; à cinq, il faisait des vers en cette langue ; à six, il lisait le grec et l’hébreu. Il possédait dès lors les principes de l’arithmétique, de l’histoire, de la géographie, du blason, de la numismatique. Montpellier, Nîmes, Grenoble, Lyon, Paris, admirèrent ses progrès surprenants et l’étendue de ses connaissances. Une hydropisie du cerveau l’enleva à sa famille avant sa septième année.

Au pied du causse Noir, sur la rive droite et au bord de la Dourbie, à mi-chemin entre la Roque-Sainte-Marguerite et Saint-Véran, la belle source du moulin de Corp (exploité depuis 1406 par une seule et même famille du nom d’André) sort, comme à Castelbouc, Saint-Chély, l’Aluech, etc., d’une grotte dont on ne connaît pas le fond. Elle a tari deux fois, en 1525 et en 1870. Lors de son premier arrêt (qui dura vingt-cinq ans), le fermier du moulin intenta au sire de Montméjean, son propriétaire, un procès tendant à obtenir soit l’affranchissement de toute redevance de location, soit la construction d’un nouveau moulin (ce qui lui fut accordé) sur la Dourbie même. Voici l’intérêt de cette anecdote : au cours du procès, des experts, commis à l’effet de rechercher si la disparition de l’eau n’était pas imputable à un détournement de la source commis par le meunier, pénétrèrent dans la grotte et y marchèrent pendant trois heures ; ils furent arrêtés, dit le rapport, par un grand lac que retenait un frêle barrage de branchages et de broussailles mortes ; pris de peur, craignant une débâcle qui les eût noyés sous terre, ils regagnèrent en hâte l’orifice. En 1892, les eaux basses nous ont permis de pénétrer dans la caverne : elle renferme un lac et se termine au bout de 60 mètres par un siphon, comme toutes les sources.

Continuant, après Saint-Véran, à remonter la rive gauche de la Dourbie, on dépasse, au moulin et au pont de Jouquemerles, le confluent du ruisseau de Garenne ou Rif, descendu des hauteurs du causse Noir. Aux Moulinets, se détache à gauche la petite route qui monte à Lanuéjols par Revens. On voit des exploitations de lignite.

La vallée s’élève de plus en plus (422, puis 442 m.). De loin on aperçoit le curieux village de Cantobre, perché sur un cap du causse Bégon à 558 mètres d’altitude, à l’ombre de gigantesques champignons rocheux et dominant de 100 mètres le confluent de la Dourbie et du Trévesel. Ses maisons sont presque toutes comprises dans l’enceinte d’un vieux château ruiné remontant au xie siècle, et rasé en 1660, après que son propriétaire, Jean de Fombesse, eut subi la peine capitale pour crime de fausse monnaie. La route de voitures qui, le long du Trévesel, doit rejoindre Trèves et éviter le contour du causse Bégon, n’est pas encore terminée.

Nant vient ensuite, gros chef-lieu de canton (2,596 habit, la comm., 1,305 aggl.) sis à 480 mètres. Son église, en partie de l’époque romane, ne manque pas d’intérêt ; la chapelle, romane aussi, de Saint-Alban est sur un roc aride, à 802 mètres d’altitude. Ici aboutit la grande route de Millau (ou de Saint-Affrique) au Vigan par le Larzac et la Cavalerie. (V. p. 199). Aux environs, nombreuses grottes à stalactites ; la plus belle, longue, dit-on, de plus de 150 mètres, s’appelle la Poujade, comme celle de l’Aluech. Mais la grande attraction des alentours est la source du Durzon, « rivièrette versée par une foux profonde, à 6 ou 7 kilomètres au sud-ouest de Nant, près du Mas-de-Pommier, au fond d’un cirque dont les parois, qui sont du Larzac, commandent le puits et la source de plus de 300 mètres ; là s’arrondit un grand gour, un dormant qui ne dort pas toujours. La petite pluie sur le Larzac l’émeut, et alors il bout légèrement au