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Enfin, dans les marais, rivières et roselières, il rendra les plus grands services aux chasseurs de gibier d’eau, qui réussiront à le mouvoir même sur les vases molles. Quant à la mode, au sport ou au joujou de famille, ce n’est point l’affaire : disgracieux, en somme, lent, dangereux même pour les imprudents qui ne sauraient pas y mesurer leurs mouvements, il ne faut pas songer à s’en servir pour des parties d’enfants ou des régates. Construit spécialement en vue de la descente des rivières américaines à rapides, il ne saurait s’utiliser autrement que comme canot de voyage transportable et peu encombrant. Mais comme tel il est accompli, utile et récréatif par excellence.

On peut dire du bateau d’Osgood qu’avec sa carène en corps de cygne et sa peau aussi dure que celle du crocodile, il ondule comme une mouette sur la crête des vagues et rebondit comme une balle sur la pointe des rocs. Ni rochers, ni cascades, ni cavernes, ni falaises, ne peuvent, grâce à lui, arrêter les promeneurs bien déterminés à tout voir !

Bateau de chasse, d’aventure et d’exploration, il serait fort à désirer que cet objet remarquable obtînt en France la vogue légitime dont il jouit depuis longtemps en Amérique.

Je l’ai expérimenté sur des rivières rapides : le Loing, le Loir, la Meuse, le Tarn, l’Hérault, en mer même (cap d’Antifer, près du Havre), dans des courants et parmi des écueils auxquels un bateau de bois n’eut pas résisté.

Et, après toutes ces campagnes, il m’a porté sur les flots sombres des rivières cachées de Bramabiau et de Padirac ! C’est le type accompli du bateau souterrain.




CHAPITRE X

grotte de dargilan.


Le trou au renard. — La grande salle. — L’exploration de 1888. — L’Église. — La grande cascade. — Le Clocher. — Les eaux souterraines. — Les plus belles grottes d’Europe. — Comparaisons : Adelsberg, Han-sur-Lesse, Rochefort, Ganges, Dargilan. — Une disparition. — L’alerte. — L’accident.


La grotte de Dargilan (Lozère), à 500 mètres au nord du hameau de même nom, s’ouvre sous le rebord du causse Noir, à 850 mètres d’altitude, presque en haut de l’escarpement dolomitique qui domine de 350 mètres le cours de la Jonte, et sur le chemin même qui descend du village à la vallée. En 1880 seulement elle a été trouvée, par un pâtre qui, voyant un renard disparaître dans un trou, voulut prendre l’animal au terrier et se mit à l’enfumer. Peine perdue ! Maître renard ne reparut point, et pour cause. Le jeune berger, ayant éteint ses feux et élargi l’ouverture, pénétra dans un boyau souterrain, d’où il sortit bientôt terrifié : il avait aperçu, déclara-t-il, le vestibule de l’enfer, un gouffre noirci sans fond. Reconnaissance faite, il venait tout simplement de découvrir la grotte de Dargilan.

Jusqu’à l’été de 1888, on ne connaissait que la première salle, la plus vaste, il est vrai, de toute la caverne, et pourvue de stalagmites et de stalactites admi-