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de temps, un tibia et quelques dents de ce carnassier. Mais ici comme à Nabrigas le gisement quaternaire est bien séparé de celui qui renferme les restes de l’industrie humaine, et il est impossible d’y faire la moindre confusion. Les autres cavités souterraines, telles que les grottes de la Vigne, des Cristallisations et de Paran, sont moins intéressantes que les cavernes déjà décrites[1] ; mais on y voit quelques indices du passage de l’homme, principalement des morceaux de poteries. Les silex, au contraire, sont très rares dans les cavernes de la vallée de la Jonte[2]. »

Aucune de ces grottes n’a la valeur pittoresque de celle de Dargilan, située à l’opposé, dans le causse Noir, et qui, étant une des plus belles grottes de l’Europe entière, mérite à elle seule un chapitre spécial. (V. chap. X.).

Disons tout de suite que ce n’est qu’une grotte à stalactites, ne devant contenir ni animaux éteints ni restes de l’industrie humaine ; elle s’ouvre au nord ; son orifice primitif était si étroit que les renards seuls s’y glissaient ; les blocs immenses, détachés de la voûte, qui forment le sol de sa première salle ne peuvent être enlevés pour savoir ce qu’ils cachent : voilà trois raisons qui rendraient sans doute des fouilles infructueuses.

Après Sourbettes, la route monte de plus en plus. La Jonte disparaît de nouveau sous les blocs qui l’encombrent. Le moulin de Capelan, avec ses rideaux de peupliers, forme une scène champêtre qui annonce la fin du cañon ; et en effet Meyrueis paraît bientôt dans son bassin large, assise, comme Ispagnac, au portail d’une galerie d’entre-causses, le Méjean et le Noir. Vers l’est, les pentes boisées de l’Aigoual n’ont plus rien d’escarpé : croupes molles, crêtes allongées, vallons larges et coupoles herbeuses, démontrent que le terrain n’est plus le même. Nous sommes sur la lisière des Causses, au contact des schistes et du calcaire.

Cela produit un paysage à deux faces ne manquant pas d’intérêt, et le panorama de Meyrueis est beau à voir du rocher qui, à l’ouest, le domine de 80 mètres et qui porte une chapelle dédiée à Notre-Dame de Bon Secours (766 m.).

Cette chapelle, selon la légende, aurait succédé à un castrum bâti par Marius(?) : dans quelques ruines, en effet, on a trouvé des urnes, médailles et lampes romaines.

Meyrueis[3] est un chef-lieu de canton lozérien (686 m.; 1,894 hab. la comm., 4,242 aggl., en grande partie protestants où se croisent les quatre routes de Florac (par le Perjuret) au nord-est, Mende (par Sainte-Enimie et le causse Méjean) au nord-ouest, Millau (par le Rozier) à l’ouest, le Vigan (par Bramabiau et Lespérou) au sud-est. Jadis elle fut beaucoup plus prospère, et sa principale industrie, la chapellerie, déchoit de jour en jour. — La Jonte y reçoit la Brèze et le Butézon : tous trois descendent de l’Aigoual.

Meyrueis peut montrer aux étrangers ses magnifiques ormes de Sully (dont le plus beau, de 5m,60 de tour, a été sacrifié pour l’établissement d’une bascule municipale !!!) et, dans une ruelle écartée, une ravissante maison de la Renaissance,

  1. Bouillet, Description de la grotte de Meyrueis, Acad. de Béziers, décembre 1831, p. 10. — Lettres sur les grottes de Meyrueis, dans le t. VII de l’ouvrage de Buchoz : la Nature considérée sous différents aspects. Paris, 1771. Lettres de M. l’abbé Boissonnade sur les grottes de Meyrueis : Bulletin de 1867, p. 260.
  2. Recherches géologiques et paléontologiques dans les hautes Cévennes, Grottes de Trèves et de Meyrueis : Mém. de l’Acad. du Gard pour 1874. Nîmes, 1875, p. 274.
  3. Thalamus contenant les statuts, privilèges de la ville et communauté de Meyrueis, publiés par le docteur Cazalis : Bulletin de 1859, p. 662, et de 1862, p. 262 et 439. — Mémoire sur la ville de Meyrueis (xviiie siècle), par F. André, archiviste : Annuaire de la Lozère, 1886. V., pour tout ce qui concerne les généralités sur les grottes, le chap. IX: Grottologie.