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vieilles femmes à chignon, tant les silhouettes de toutes ces roches sont variées à l’infini ! C’est peut-être dans ce cirque qu’il y a le plus à fureter. J’ai noté seulement à l’ouest la Chaire à prêcher ou la Tribune aux harangues (n° 45), avec ses deux portes latérales, son dais et son balcon ; la Salle de bal, ovale parfait où il faudrait organiser des danses champêtres sur l’herbe ; au nord, l’Échiquier (n° 50) avec tour, cavalier, fou, pions, etc. En cherchant bien, on ne manquerait pas de trouver le roi et la reine ; à peu près au centre de la Millière s’élève la Basilique, grande nef hypèthre, sans voûte, où les pins énormes semblent de maigres arbrisseaux ; en dehors et le long du flanc oriental du monument court la longue rue de l’Avenc (n°55), qui doit son nom à un de ces gouffres profonds (n°54) semés à la surface des causses ; cette rue communique par plusieurs embrasures avec deux magnifiques salles, celles du Corridor et de la Lune, dont les parois n’ont pas moins de 50 mètres de hauteur ; dans la salle de la Lune aboutissent les deux rues des Aiguilles et de la Lune, que nous connaissons déjà pour les avoir traversées en contournant le cirque des Rouquettes. Nous arrivons maintenant à la dernière partie de Montpellier-le-Vieux, toute différente des quatre autres.

La Citadelle. — Trois gros donjons la dominent, visibles de presque tous les points de la ville : le Corridor (823 m.] (n° 7), dont l’escalade n’est pas à conseiller, et qui a emprunté son nom à une étroite avenue (n° 8), entrée d’honneur de Montpellier-le-Vieux ; la Ciutad (la Cité) [830 m.] (n° 1), point culminant de l’ensemble, et le Douminal (le Seigneur) [829 m.] (n° 2), unis par la Brèche de Roland (n° 3), absolument infranchissable ; inclinés vers le cirque du Lac semblent être les appartements du châtelain, comprenant la salle des Fêtes (n° 4), la salle du Festin (n° 5) et celles des Gardes (n° 6), reléguées à un étage supérieur. Ces dispositions rappellent en certains points l’aménagement du château célèbre de Coucy (Aisne), fortifié surtout du côté de la ville, avec les logis et salles de réception tournés vers la plaine.

Certes, aucune de ces assimilations ne saurait être prise à la lettre, et, comme on l’a dit plus haut, il ne faut pas y voir des définitions, mais simplement des impressions susceptibles d’infinies variétés, selon le caractère ou l’instruction du visiteur, et même selon l’état du ciel, l’heure du jour, le mode d’éclairage en un mot.

Que dire aussi des débouchés de tous les cirques dans les fossés extérieurs ? Les eaux qui ont découpé là tant de monuments grandioses et élégants à la fois n’ont pu trouver d’issue qu’en pratiquant dans le mur d’enceinte (rempart dolomitique) des entailles sciées du haut en bas, comme à la Millière, ou des effondrements, comme aux Rouquettes ; ou bien encore c’est en cascades rocailleuses que les torrents s’enfuyaient des Amats, de la Citerne et du Lac.

Devant ces témoins de l’œuvre grandiose des érosions, une chose confond l’imagination : c’est la sécheresse actuelle de ce terrain de dolomie ; plus une goutte d’eau dans ces anciens fonds de lacs, plus un filet humide le long des parois des primitives cataractes. D’où venaient donc les trombes diluviennes qui ont affouillé ainsi la masse dolomitique ? Nul ne le sait encore.

Assurément les piliers de grès de la Suisse saxonne et les ogives géantes d’Étretat ne sont pas moins étranges : mais les flots de l’Elbe et de la Manche en battent encore le pied et en expliquent la perforation et le sapement ; l’érosion continue son œuvre. À Montpellier-le-Vieux, au contraire, plus un ruisseau ;