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montpellier-le-vieux

quoique sous forme de critique, précise nettement l’un des plus curieux caractères de l’endroit. Ce caractère n’échappera jamais à ceux qui commenceront l’excursion des Causses par le cirque des Rouquettes : il causera au contraire leur profonde stupéfaction.

En résumé, répétons-le, Montpellier-le-Vieux, par un effet même de son aspect merveilleusement insolite, risque souvent de n’être pas compris : et un violoncelliste de mes amis dit toujours quand il en parle : « C’est trop beau ! c’est du Wagner ! »

Aussi vais-je énumérer uniquement les formes les plus frappantes affectées par les rochers isolés ou groupés, tout au plus les définir sous l’aspect que je leur ai trouvé, et qui n’a rien de plus certain que les ressemblances que chacun croit rencontrer dans la silhouette des nuages, par exemple. En effet, l’imagination a beau jeu pour appliquer ici les réminiscences historiques et archéologiques ; on est exposé à un véritable vagabondage d’idées. J’ai consigné et respecté avec soin sur mon plan les noms portés au plan cadastral ou recueillis de la bouche même des paysans d’alentour ; c’est seulement quand la dénomination locale manquait totalement et qu’il en fallait une comme point de repère que j’ai forgé un nom nouveau ou admis celui donné par les premiers explorateurs. Si nombreux que soient ces baptêmes fantaisistes, il restera toujours assez de détails anonymes pour que chaque visiteur puisse, suivant son bon plaisir, exercer sa faculté inventive. Les appellations préexistantes sont au nombre d’à peu près 35 à 40, sur 80 environ que renferme le plan. Les principaux motifs sont seuls indiqués par des mots caractéristiques aussi sobres que possible, et conformes à la figure ou à la situation topographique de l’objet désigné. Voici donc l’énumération annoncée : ce n’est que le commentaire de la carte au 10,000e.

Cirque du Lac. — L’Autel (n° 9) ou Baignoire du Diable (?) est un énorme champignon à bord relevé, qui, réduit de proportions, pourrait parfaitement servir à dire la messe ; au fond d’un rocher creusé en forme d’abside, la Chapelle (n° 10), un banc de pierre représente bien le tombeau d’un martyr dans les catacombes de Rome ; au bout d’une rue qui s’ouvre en face se dresse l’Amphore (n° 11), monolithe ovoïde audacieusement équilibré sur sa base mince et évidée ; tout près, le fond du Lac (717 m.) se trouve à 113 mètres en contrebas de la Ciutad (830 m.) ; les indigènes ont fort bien nommé l’Oulo (la Marmite) un bloc (n° 12) analogue comme forme à l’Amphore, plus colossal cependant et haut de 25 mètres ; M. de Malafosse l’a baptisé rocher Barbeyrac, en l’honneur du découvreur de Montpellier-le-Vieux. La portion sud-est du Lac est occupée par un ensemble de piliers et de massifs quadrangulaires, de galeries et d’avenues, d’ogives naturelles et de clochetons qui font songer à une Cathédrale et à sa Grande Nef (n° 13 et 14) ; la Trappe (n° 15) (803 m.), sur la crête qui sépare le Lac et les Amats, est un nom local, dû à une pierre éboulée qui a obstrué comme une trappe une fenêtre percée dans la roche ; on l’appelle aussi roc del Gorp (roc du Corbeau) ; il est inaccessible sans échelle. Les nombreux ambulacres de l’immense Colisée ne manqueront pas de parrains : le plus long est la rue du Douminal, qui côtoie le pied oriental de la Citadelle et monte au sud vers plusieurs cols conduisant aux Amals. — Après les grandes pluies, après la fonte des neiges, il doit y avoir une superbe cascade au nord-est et à la sortie du Lac, au point où deux lits de torrents s’unissent pour constituer le ravin des Bouxés ; une petite source suinte là goutte à goutte en été, au pied de fières falaises