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autour de peyreleau

Quelques oliviers, vieux de trente ans et plus, ont résisté aux rudes hivers de 1870-71 et 1879-80.

Si les deux bourgs n’ont autre chose que leur bonne chère et la beauté de leur situation pour retenir les étrangers, il y a du moins aux alentours quatre excursions de premier ordre à faire, chacune en moins d’une journée, savoir : le belvédère du point 815 et le pont des Arcs, le château de Peyrelade, l’ermitage Saint-Michel et les corniches du causse Méjean (cette dernière décrite p. 90).

Le voyageur venant de Mende ou de Florac et arrivant à Peyreleau après avoir descendu la gorge du Tarn, se croit au bout de ses étonnements et se dit que la région des Causses lui a déjà livré toutes ses merveilles : erreur ! Qu’il s’élève, à l’ouest du village, à travers les vignes, les bruyères et les bois de hêtres, le long de la croupe terminée sur la carte de l’état-major (feuille de Sévérac, n° 208) à la cote 815 : bien avant de parvenir au sommet, il comprendra que la fissure du Tarn n’est pas la seule curiosité du pays ; ses premiers regards, il est vrai, se tourneront vers elle, droit au nord ; de 400 mètres il la domine tout entière, et d’un seul coup d’œil il refait en un moment 13 kilomètres de cette descente féerique, depuis le cirque des Baumes jusqu’au Rozier. À droite, dans la direction du nord-est, Capluc élève à la pointe du causse Méjean sa double ruine, le castel féodal et le rocher démantelé, l’un dégradé par les agents atmosphériques, l’autre par le temps et les hommes. Jusqu’ici rien de nouveau pour le spectateur : mais à l’est les érosions ont creusé une seconde entaille, celle où la Jonte, pendant 24 kilomètres, écume et bondit en torrent rebelle à toute navigation. À Peyreleau on se trouve bien au débouché de ce deuxième cañon, sans en deviner la grandeur néanmoins, car des entre-croisements de contreforts en dissimulent les perspectives éloignées ; du point 815, c’est-à-dire du causse Noir, on éprouve au contraire une saisissante surprise à voir se dérouler, rectiligne et dans toute son étendue, cet autre couloir formidable, perpendiculaire au premier. Pour être moins longue et moins creuse que la gorge du Tarn, celle de la Jonte n’est guère moins remarquable ; la coloration éclatante, la continuité, la hauteur et les découpures de ses dolomies supérieures, alignées en remparts, présentent même peut-être un plus curieux aspect. Nous ne tarderons pas à nous en rendre compte. De notre belvédère, qui est désigné d’avance comme un futur « observatoire » de touristes, avec le télescope et la buvette obligatoires, tout le causse Méjean, effilé en promontoire, semble s’élever insensiblement vers la montagne de la Lozère (pic de Finiels, 1,702 m. ; roc Malpertus, 1,683 m.) ; on dirait une table de pierre dressée, avec une légère inclinaison, entre le Tarn et la Jonte, sur des stylobates rouges hauts de 400 à 500 mètres. Il suffit d’examiner la carte pour se convaincre qu’il n’existe dans toute la région aucun point d’où l’on puisse mieux comprendre la disposition, la structure, la géologie des Causses et de leurs gorges ; nulle part le contraste ne paraît aussi frappant que là, entre les hauts plateaux immenses et tristes, les précipices des escarpements dolomitiques, le resserrement des vallées et la joyeuse végétation des thalwegs. C’est le résumé du pays entier ; c’est aussi beau et plus complet que la vue du Point Sublime des Baumes. Qui osera donner un nom au point 815 ? Aucun ne serait assez expressif, et il vaudrait mieux demander au plan cadastral quelle dénomination de lieu-dit existe au sommet de cette croupe. Laissons ce soin à l’industriel intelligent qui viendra le premier y établir une terrasse panoramique, et achevons notre tour d’horizon ; nos yeux n’ont plus qu’à errer sur une autre table calcaire,