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LA COTE D’AZUR RUSSE

centrale. Dès qu’on aborde ces terrasses, la salubrité reparaît, et dans l’air pur des vallées moyennes s’abriteront, je l’ai déjà dit en nommant Krasnaïa-Pohana, ces impeccables sanatoriums où s’accomplissent les cures d’air de la thérapeutique.

Soumis à la prophylaxie inspirée surtout par les beaux travaux du docteur Laveran, le paludisme est condamné à disparaître, pour ainsi dire automatiquement, au fur et à mesure de l’occupation rationnelle et de l’aménagement du territoire ; le système a fait ses preuves, je le répète, puisqu’il est d’ores et déjà empiriquement établi que tout domaine normalement mis en valeur est désormais affranchi des fièvres locales.

Sur quelques points seulement, rebelles par leurs dispositions naturelles à l’occupation agricole (marécages et deltas de Pitzounda et de la Bzib, — de la Mzimta, — de la Chakhé, etc.), des travaux spéciaux seront nécessaires ; ils ont été bien commencés, sous la direction du lieutenant-général Jilinski, près de Touapsé, de Lazarewsky, d’Adler et (sur des proportions grandioses) de Batoum ; beaucoup de ces entreprises d’assainissement ne dépasseront guère la portée des ressources privées, et ceux qui, çà et là, sont publiquement accomplis par l’État paraîtront bien simples à coté de tant d’autres colossales entreprises antérieures du même genre, réalisées avec le plus grand succès, telles que les mémorables dessèchements des marais de Pinsk en Wolhynie (1873-1898) et de Baraba (depuis 1895), en Sibérie, victorieusement menés à bien par le même lieutenant général J. Jilinski.

En résumé, l’étude qui va suivre se présente à la fois comme un rapport officiel sur la valeur des ressources et sur les moyens pratiques de faire fructifier le versant du Caucase occidental, compris entre la mer Noire, la côte centrale et les points extrêmes de Novorossiisk et de Soukhoum, — et comme l’esquisse générale d’un recoin du globe ainsi limité et jusqu’ici fort mal connu : pour les savants russes assurément tout ce que je vais relater ne sera que partiellement nouveau et demeurera surtout fort incomplet ; ce n’est pas en trois mois qu’on peut faire la monographie complète d’une surface de cette étendue ; des années d’études techniques seront nécessaires pour compléLer la conquête scientifique intégrale de ce qui reste à apprendre dans la Circassie maritime etl’Abkhasie ; mais pour les géographes occidentaux, ma description générale et sommaire comblera à grands traits une véritable lacune en prolongeant, comme suite aux livres de Freshfield, Merzbacher et de Déchy, les notions dès maintenant acquises à l’ouest de l’Elbrouz et en y fixant quelques noms que nul atlas encore n’a mentionnés.

On s’en rendra surtout compte en se reportant au petit volume publié en 1899 par M. Jean Carol[1]. Ces Notes d’un touriste, prises en 1894, avant l’achèvement de la chaussée d’Annenkoff et surtout avant le début des entreprises de M. Abaza, arrivèrent « quelques années trop tôt », selon leur auteur même, qui cependant déjà « donnerait quatre Madagascar pour l’étroite bande de pays comprise entre Novorossiisk et Soukhoum ». Il y a décrit fort bien Novorossiisk, — Touapsé (sans les dolmens), et ses aouls tcherkesses de Karpofka et Kitchmaï, exceptionnellement subsistants, — Adler (sans la Mzimta), — Gagri où il n’y avait rien que le quadrilatère du fort ruiné, — Lichnii et son église dont il avoue qu’il aurait dû « la

  1. Jean Carol, les Deux Routes du Caucase, Paris, Hachette, in-12, 1899, 31 grav.